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L'Héritier de village

+ d'infos sur le texte de  Marivaux
mise en scène Sandrine Anglade

: Note d'intention

Au sortir de l’hiver 2013, j’écoutais une belle émission sur France Culture, un hommage à Patrice Chéreau. Celui-ci racontait les textes qui avaient jalonné son parcours au théâtre. Il évoqua L’Héritier de Village de Marivaux. Mise en scène de jeunesse mais à laquelle il restait très attaché.


Marivaux est le premier auteur que j’ai monté au théâtre (La Mère Confidente, Comédie Française, théâtre du Vieux Colonbier, 2003). J’avais envie de le retrouver et les mots de Chéreau ont attisé davantage mon désir.


J’ai relu cette pièce peu montée. La rencontre, soudain, s’est faite tant le sujet, le style, ses possibilités formelles sonnaient justes pour moi aujourd’hui.


Je n’arrive plus en effet à faire du théâtre sans parler du monde dans lequel je suis, sans interroger la société dans laquelle je vis : société de l’argent et du faux semblant.


Cette société-là, c’est aussi celle que décrit Marivaux, il y a 2 siècles.


Valeur d’universalité que cette prise de parole. Opportunité de se saisir de la farce et de la distance dans le temps pour mieux s’emparer de notre actualité.


Comment la réalité, construite sur du virtuel, s’unifie sous le principe de l’intérêt. Comment l’argent, intermédiaire universel, puissance abstraite, conduit vers une forme d’effacement des relations entre les hommes au profit d’une relation entre les choses. Ici, les différenciations culturelles (portées par le langage chez Marivaux) se dissolvent dans de nouvelles dépendances et inventent une société où l’argent est une fin en soi, imprégnant les rapports sociaux et la culture.


La pièce de Marivaux est une farce autant qu’une fable, un regard joyeusement ironique porté sur la crédulité et l’hypocrisie des hommes confrontés à plus grand qu’eux : une noyade dans la richesse virtuelle. Une ivresse. Toute la pièce a le génie de se construire sur du vide, sur quelque chose qui n’existe pas, sur une richesse potentielle qui se révèlera être inexistante. Celle-ci engendre comportements décalés, séductions déplacées, mélanges incongrus des idiomes, où chacun s’oublie et s’enferme dans ce qui n’est plus lui mais seulement valeur et intérêt. Les idiomes chez Marivaux en disent long sur l’identité sociale : nous les conserverons dans leur spécificité d’écriture sans pour autant appuyer le parlé paysan face à celui des nobles. L’énonciation, l’articulation du texte seront « modernisés », insistant sur la mise en évidence d’oppositions culturelles, détournant « ailleurs » la contextualisation induite par la syntaxe et le lexique. Une façon de raconter encore que même la langue se dissous dans l’argent.

Sandrine Anglade

septembre 2014

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