: L'adpatation
Par Paul Emond
FLAUBERT PLUS ACTUEL QUE JAMAIS
Pourquoi avoir eu très vite le désir, une fois terminée l’adaptation de Madame Bovary, de proposer celle de L’Éducation sentimentale à Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps ?
A priori, n’était-ce pas une entreprise
plus périlleuse encore ? Cela ne ressemblait-il pas, après l’ascension de la
face sud de l’Himalaya flaubertien, à l’idée folle de tenter celle de la face
nord ?
Si la dimension théâtrale d’Emma Bovary et de son univers avait
demandé bien du travail pour être apprivoisée sous son épaisse écorce
romanesque, était-il seulement possible de la déceler avec un Frédéric
Moreau sans personnalité réelle ni le moindre charisme, une sorte d’anti-
héros se laissant porter par les événements de la même façon que
l’emporte le bateau sur lequel il monte quand commence le roman ? Et
s’il avait déjà fallu simplifier drastiquement le tissu narratif de Madame
Bovary, la tâche ne risquait-elle pas d’être aussitôt bien trop réductrice
avec une intrigue dont un des charmes réside dans la multiplication des
péripéties et la présence de très nombreux personnages ? Oui, certes.
Oui, mais…
Dans une conférence faite jadis à la Femis, Gilles Deleuze disait qu’il lui
semblait évident que si un cinéaste avait envie d’adapter un roman, c’est
parce qu’il avait des idées d’ordre cinématographique qui résonnaient
avec ce que l’écrivain avait comme idées d’ordre romanesque.
À
l’évidence, de tels propos valent aussi pour le théâtre. Or, comment ne
pas avoir envie, en relisant aujourd’hui L’Éducation sentimentale et en
pensant concomitamment à la scène, de mettre au point une dramaturgie qui montrerait combien l’histoire de Frédéric, mêlée passivement aux
soubresauts de la naissance de la Deuxième République, puis à l’arrivée
presque immédiate du coup d’État de Louis-Bonaparte, présente bien
des similitudes avec l’inertie à laquelle beaucoup se résignent aujourd’hui
face aux dangers qui guettent notre société ?
Plus encore : comment
ne pas se dire que l’acteur sur scène est l’être idéal pour faire ressentir
combien cette même résignation a sur nos vies personnelles et nos
relations affectives des effets profondément délétères, ce que suggère
magistralement le grand art romanesque de Flaubert à propos de
Frédéric Moreau et de ceux de sa génération ?
- Paul Emond
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