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L'Errant

Charlotte Gosselin ( Mise en scène )


: Note d'intention

Je suis dans l’atelier de la compagnie Arketal (compagnie de marionnette), avec laquelle je travaille comme comédienne depuis quelques années. Depuis longtemps j’ai le désir de donner vie à une figure d’un tableau de Marc Chagall.
Je demande à Greta Bruggeman (scénographe et constructrice) de me guider dans sa confection. Cette dernière me demande à partir de quoi je souhaite construire. Sans hésitation je lui réponds : « Le Juif en Vert de Marc Chagall ».
Peu à peu cet être est apparu, peu à peu, à force de temps, à force de creuser la matière, il est né.
Pendant près d’un an, ce dernier est resté dans son sac. Nous attendions patiemment, lui et moi, de savoir ce que nous souhaitions raconter.


Au printemps 2012, afin de provoquer la rencontre entre lui et moi, j’ai demandé au BOUFFOU Théâtre à la coque (à Hennebont, (56)) de nous accueillir en résidence pendant une semaine, puis au théâtre de Lenche (Marseille, (13)), pendant 15 jours. Sur scène avec nous, des livres (Les métamorphoses d’Ovide, La bible illustrée par Marc Chagall, Le mythe de Sisyphe d’Albert Camus, Les juifs dans l’histoire, Job ou l’histoire d’un homme simple de Joseph Roth, la pensée dispersée de Enzo Traverso), et des petits cailloux blancs venus de la mer.
Dans la solitude, j’ai alors commencé à chercher.


D’instinct, en observant la marionnette, et parce que les peintures de Marc Chagall m’éveillent cette sensation, je suis partie du thème de « L’Errance ». En lisant le mythe du « Juif Errant », j’ai eu alors la volonté de l’élargir à l’ensemble de l’Humanité. Partir d’un texte fondateur pour parler de l’Errance Humaine, de l’impossibilité de l’être humain à trouver sa place dans l’Histoire de l’Univers, impossibilité à trouver sa raison d’être dans le sens « d’être au monde ».
Le mythe du juif errant trouve son origine dans la crucifixion du Christ : chancelant sous le poids de sa croix, ce dernier se voit refuser l'aide d'un cordonnier, spectateur passif de la scène qui lui crache dessus avec mépris. Cet artisan se voit alors infliger la sentence cruelle de l'errance éternelle, synonyme de mise au ban de toute communauté humaine. Ainsi , il devra parcourir les continents en quête d'un salut que son manque de pitié, son mépris et sa lâcheté lui ont fait perdre à jamais. Notre volonté n'est pas de rester cantonné à ce mythe, mais bien plutôt, à travers un voyage poétique, parler de cette peur de l’être de manière universelle, de cette violence humaine, face à la beauté de l’absolu qui existe depuis le commencement du monde, depuis l’existence de la première particule de vie.


Face à cette angoisse de l’immensité du monde, l’être humain a toujours tenté avec acharnement de réduire l’espace et le temps, de les ramener à sa hauteur, voir même de les rendre plus petits que lui. Il pensait ainsi que l’angoisse disparaîtrait. Mais elle n’a pas disparu, et elle est encore plus douloureuse car cachée derrière le marasme d’un monde d’artifices.


Le propre de l’Art est de réveiller dans notre conscience, de faire surgir, cette beauté de l’absolu, cette pureté de l’être et des choses. En regardant les peintures de Marc Chagall c’est ce qui me vient naturellement à l’esprit. L’impression qu’une fenêtre a été ouverte pour convoquer le rêve et les chimères au milieu de notre monde, qu'il ouvre une porte sur le féerique. Ce ne sont pas ses tableaux qui sont éclairés par la lumière, mais bien la lumière qui sort de ses tableaux. Il ouvre en moi « un silence originel ». Chaque tableau que je vois de lui me semble être une vie.


En suivant le parcours de Mordekhaï (c’est ainsi que se nomme la marionnette), nous croiserons de multiples errances dont la sienne. Cet être qui n’a plus d’âge, qui est hors du temps, nous fera retourner aux origines de l’existence.

Charlotte Gosselin

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