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L'Avare

+ d'infos sur le texte de  Molière
mise en scène Ludovic Lagarde

: Note d'intention

par Ludovic Lagarde

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est comme si j’avais découvert Molière en relisant L’ Ava re ces derniers mois. J’ai été frappé par la beauté de cette prose, la violence comique d’une pièce où, si la farce n’est jamais loin, elle n’en rend que plus cruelles l’âpreté des rapports et la rudesse des enjeux. Au centre du dispositif, l’avarice, donc la rétention.


Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’argent ici, au contraire — mais il ne circule pas. Il n’a plus de valeur d’usage. Il semble être devenu l’objet d’un culte mortifère. Tout peut être sacrifié à l’argent, puisque rien d’autre ne compte, rien ne vaut, plus rien n’a de prix... rien que l’argent, justement. Pour cette nouvelle morale, un seul impératif, catégorique comme il se doit : sans odeur, invisible, l’argent doit engendrer l’argent, toujours plus. Sans que personne n’en jouisse. Sauf l’avare, puisque son bien est très exactement un argent qui ne sert à rien sinon à le faire désirer, lui. Aussi dans le grand écart entre les masses d’argent accumulé et le manque vécu, subi, de toute monnaie d’échange, c’est toute la micro-société régie par l’avarice qui se dérègle, et littéralement s’affole, fièvre panique : il faut trouver de l’argent coûte que coûte, puisque la pénurie fictive est devenue la seule réalité partagée. Il semble bien qu’on ne s’en sorte pas, chez les maîtres comme chez les valets, pour le père comme pour ses enfants, tout tourne autour de cet argent construit en obsession. Et sans surprise, l’amour n’est pas épargné. Sauve qui peut !


Difficile de renvoyer la pièce de Molière au seul xviie siècle... pourtant ce serait tentant, car jamais l’avarice n’est avouable, pas plus aujourd’hui qu’hier. Mais elle a traversé le temps, et si l’on pense au roman du xixe, au père Grandet de Balzac, par exemple, un Don De Lillo pourrait aujourd’hui nous en raconter l’histoire. Celle d’un adorateur mystique, ascétique et malade de l’argent qui plus que jamais nous fait rêver, nous manque, nous fait souffrir ou nous obsède. C’est avec Laurent Poitrenaux, Christèle Tual, Julien Storini et le Nouveau Collectif de la Comédie, Marion Barché, Myrtille Bordier, Louise Dupuis, Alexandre Pallu et Tom Politano, que nous approcherons cet Avare familier, bien trop paranoïaque et sadique pour être simplement grotesque, et la société en crise qu’il or-donne, où l’argent règne en despote. Sans perruque ni chandelier.

Ludovic Lagarde

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