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Kamyon (Bressoux)

Michael De Cock ( Mise en scène ) , Mesut Arslan ( Conception ) , Rudi Genbrugge ( Conception ) , Deniz Polatoglu ( Conception )


: Questions croisées à Michael De Cock et à Jérôme Richer

Dans vos créations récentes, et en particulier dans les spectacles que vous présentez aux Francophonies (Tout ira bien pour Jérôme Richer, Kamyon, pour Michael De Cock) vous interrogez la clôture des frontières européennes et la relégation des plus pauvres. Quelle démarche artistique mettez-vous en place pour emmener le public vers une approche différente de celle proposée par les medias ?


Jérôme Richer : En tant qu’artiste, je ne me place pas dans la position de celui qui sait face à un public qui ne saurait pas, au contraire des médias par lesquels nous sommes envahis d’experts, de spécialistes qui pensent à notre place. Le théâtre est un espace où la pensée est encore possible. Mon rôle d’artiste est d’organiser cette pensée pour donner les moyens aux spectateurs de faire des choix les plus conscients possibles pour leurs vies, en lien avec la thématique du spectacle. Ainsi, je ne propose pas de solution mais j’organise tout un réseau de questions qui tente de rendre compte de la complexité du monde et ici, plus spécifiquement de notre rapport aux Roms.


Michael De Cock : Moi non plus, je ne propose pas de solutions concrètes. Ce n’est même pas parce que je n’aurais pas de réponse, ou parce qu’une réponse n’existerait pas, mais parce qu’il n’y a pas de réponse unique. Je ne suis pas sûr que les médias ou les politiciens se sentent responsables dans le vrai sens du mot. Je trouve que des thèmes comme l’Europe et les frontières européennes, et la façon dont on organise notre continent, tout cela, c’est trop important pour le laisser aux médias et aux politiciens. Non ! Il faut revendiquer ces thèmes. Il faut revendiquer ce qui nous réunit en tant qu’êtres humains. Cet espace de liberté, ça peut être le théâtre. Il y a dix ans, une refugiée, une jeune femme que j’ai rencontrée à Anvers, – elle venait de la Lituanie – m’a dit : I’m not political, I’m personal. C’est sans doute la réponse la plus courte à la question posée.


Entre l’aspiration humaniste à la solidarité, désormais tournée en dérision par les gouvernements au nom du réalisme, et les appels « au chacun chez soi » des populismes nationaux, quelles voies peut ouvrir la création artistique ?


Jérôme Richer : L’Art permet, selon moi, un décentrement du regard. C’est un espace où l’humain avec toute sa complexité, toute sa richesse, est au centre. L’Art permet d’ouvrir des fenêtres sur l’humain qui autrement resteraient fermées. En tant qu’homme, né en Europe de l’Ouest, j’ai une relation complexe aux Roms, entre lutte contre les discriminations dont ils sont victimes, rejet de certaines de leurs pratiques et préjugés construits culturellement. Accepter ces contradictions est pour moi la meilleure manière de commencer à les dépasser. Et ça, je crois que c’est une des fonctions et des responsabilités de l’Art. Enfin pour reprendre les mots de Pasolini, je dirai que « l’engagement est inéluctable, et aujourd’hui plus que jamais. Je vous dirai que non seulement il faut s’engager dans l’écriture, mais aussi dans la vie ».


Michael De Cock : Chaque livre, chaque pièce de théâtre, chaque œuvre d’art, en quelque sorte, est un exercice d’empathie. On essaie de voir les mondes par le regard d’autrui, où l’Art essaie de troubler ton propre regard, parce que l’artiste, pendant sa création, a été troublé, choqué, ému... L’Art ne parle pas de chiffres, ni de statistiques. L’Art peut parler de tout, et peut tout se permettre. C’est sans doute la plus grande liberté qui existe.

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