Se dire que la mère là en face de sois n’est pas la sienne ! Que ce n’est pas possible !
Que tous ces visages là de cette famille n’ont rien à voir avec moi !
Qu’on ne leur ressemble pas ! Qu’on a rien à voir avec ces gens étrangers à soi même !

Comment peut naître le sentiment d’avoir honte de sa famille ?
Comment une idée si monstrueuse peut elle germer dans la tête d’un individu ?
Comment peut on imaginer que ses parents ne soient pas les siens ?

Qu’il y aurait une erreur de distribution ?

Cette théorie inexprimable, inavouable menace l’équilibre de son auteur jusqu’à lui faire rechercher sa propre destruction par une forme de violence, une sexualité débridée ou par l’inhibition dans un projet de maîtrise sur sois.
Pour trouver le lieu du repos des tourments, d’apaisement, de mort.

Finalement refuser la vie et rejoindre le territoire des ombres.

J’ai connu cela.
Je ne le cache pas.
Des années d’égarement, de destruction, de solitude, de mensonge…
Et puis des rencontres, des passions amoureuses.
Et puis j’ai été sauvé.
La paternité m’a permis de revenir.
Mes propres enfants m’ont donné le bonheur de reconnaître les miens.
Et alors j’ai dit oui.


La famille.
Lieu du drame antique.
Lieu des conflits originels.
Liens du sang qui tissent la trame des vengeances les plus odieuses.
La modernité n’échappe pas au fatum.
Enfants du progrès nous réinventons nos propres conflits pour mieux les transcender.

Jean Luc Lagarce transforme la fatalité antique en une perversion de l’esprit reflet de notre civilisation contemporaine.