Peter Stein disait des pièces de Tchékhov qu’il a monté, qu’à chaque étape de sa vie il pourrait percevoir et raconter ces histoires très différemment.
Mettre en scène Juste la fin du monde est un désir long de 20 ans, sans avoir jamais «osé».
Le sujet de la pièce m’est profondément intime en ce sens: chaque personnage ose, tente de se faire entendre, avec tendresse, avec espoir, avec bêtise et maladresse, avec colère et détermination, mais chacun, jusqu’au personnage de Louis dans la multiplicité de ses aveux «publics», ose, pour la première fois, dire.

Si la pièce traite de la famille, de l’absence, du temps, de la mort approchante, elle ne se départit pourtant jamais d’un humour vif et profond. Les personnages sont parfois croqués au vitriol, mais les scènes sont toujours d’une tendresse flamboyante et inattendue. C’est encore la plus vibrante histoire de famille que je connaisse, où les mots échappent à chaque fois qu’on les prononce et où l’on garde, comme en musique, telle ou telle réplique parce qu’elle sonne très joyeusement ou terriblement juste. Et probablement ces mots-là (et aucun autre?) savent-ils raviver notre mémoire et puiser dans nos souvenirs les plus intimes, les plus enfouis.

Nous avons voulu faire entendre ce «classique» du théâtre contemporain à tout type de public, également à celles et ceux qui ne cotoient pas ou peu les salles de spectacles, sans jamais nous départir de la portée sociale et politique de l’auteur ni de l’exigence de sa langue.

Dans le cadre de la première édition du festival Les Déferlants! dans les Côtes d’Armor, nous avons créé Juste la fin du monde dans un format plein-air et en bi-frontal. Nous nous sommes ensuite produits dans des salles souvent peu équipées, le format du spectacle permettant de nous adapter à tout type d’espace.

• A. de La Roche