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Juste la fin du monde

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce

: Entretien avec Gilles Lefeuvre

Propos recueillis par Xavier Quéron le mercredi 12 septembre 2007

Un an et demi après Visites de Jon Fosse, Gilles Lefeuvre et La Nuit Venue sont de retour au GLOB pour ouvrir la saison 2007 2008 avec une histoire de famille cinglante et émouvante signée Jean-Luc Lagarce.

Le GLOB : Bonjour Gilles, en quelques mots peux-tu nous retracer ton parcours et celui de ta compagnie ?


Gilles Lefeuvre : Nous avons un parcours somme toute classique en étant issus du Conservatoire de Bordeaux. La compagnie est née d’un regroupement d’affinités entre Jean-Stéphane Souchaud, Damien Borderie, David Poncé et moi-même. Puis le groupe s’est élargi avec Dominique Unternehr, Laetitia Andrieu… La première mise en scène officielle de la compagnie est Volpone de Stefan Zweig en 1995. Puis il y a eu Yvonne, Princesse de Bourgogne, ou encore Mirad, un Enfant de Bosnie en 2000, Petits Personnages au GLOB… Les spectacles tournent plutôt bien, avec 100 représentations des Règles du Savoir Vivre dans la Société Moderne, une trentaine d’Histoire d’Amour, une tournée des Petits Personnages à l’étranger… J’aime faire des choses toujours différentes, en passant d’un jeu grotesque et très marqué comme dans Yvonne, princesse de Bourgogne, à un jeu très dépouillé, comme dans Mirad. J’aime prendre des risques, aller là où on ne m’attend pas.


LE GLOB : Les Règles du Savoir-Vivre dans la Société Moderne en 2003, Histoire d’Amour en 2005, Juste la Fin du Monde aujourd’hui… C’est ta troisième mise en scène de Lagarce en quatre ans. Qu’est-ce qui te stimule chez cet auteur ?


Gilles Lefeuvre : J’espère que Juste la Fin du Monde sera la dernière ! (rires) En fait, c’est le texte de Lagarce que je voulais monter en premier. Mais l’écriture et la langue de Lagarce demandent au metteur en scène et à ses comédiens une certaine immersion de cet univers afin qu’ils y soient familiarisés et de mieux le maîtriser et l’interpréter. C’est pourquoi j’ai d’abord monté Les Règles du Savoir Vivre dans la Société Moderne, une bonne « porte d’entrée » sur l’univers de Lagarce, un texte qui touche à l’universel. C’était aussi l’occasion de faire plaisir aux amis – en effet, j’ai adapté ce monologue pour 10 interprètes. Pour bien comprendre Lagarce, s’en imprégner, resserrer notre groupe autour de cette écriture, j’ai ensuite monté Histoire d’Amour, un texte intime. Juste la fin du Monde se situe au carrefour de ces deux textes : universel et intime à la fois.


LE GLOB : Juste la Fin du Monde est l’histoire d’une famille qui se détraque. En 2006, tu mettais en scène Visites de Jon Fosse, qui abordait des thèmes analogues (l’incommunicabilité, les relations filiales comme champ de bataille). La cellule familiale, c’est un sujet de théâtre qui te tient à coeur.


Gilles Lefeuvre : C’est le fil rouge de mon parcours de metteur en scène, dans Mirad, Visites, Juste la Fin du Monde… J’ai la « chance » d’avoir une famille avec beaucoup de maux, une famille qui se cherche mais qui ne se trouvera jamais. Ca donne à réfléchir. Attention, le théâtre n’est pas pour moi un catharsis ! Comme le dit Koltes, « le théâtre n’est pas la vie, c’est la reproduction de la vie ». A travers ces textes, je partage une faille profonde, mais là où il y a du mal, je mets du bien – il y a beaucoup d’amour dans mes spectacles, même s’il n’est pas formulé, même s’il est violent.
Par ailleurs, je suis fasciné par les relations humaines, j’aime observer les gens et le tissu social, et puis tout d’un coup projeter la vie d’un individu vu ou croisé… Je suis un rêveur très rationnel.


LE GLOB : Peux-tu nous dévoiler un peu de ton projet scénographique ?


Gilles Lefeuvre : Je me suis nourri du projet Dogville de Lars Von Trier ( lui-même inspiré d’un concept de Berthold Brecht ), une maison aux murs invisibles où le spectateur voit tout, y compris ce que les protagonisttes de la pièce se cachent les uns aux autres. Cette démarche répond aussi à mon esprit paradoxal : le tout-montrer contre le non-dit qui caractérise cette famille.


LE GLOB : J’ai aussi pu voir une scène de repas assez stylisée…


Gilles Lefeuvre : C’est une allusion à la Cène. En effet, le personnge de Louis ( le fils qui vient annoncer sa mort – NDLR ) a un côté très christique de par son âge et sa propension à s’accaparer tous les maux à l’aube de sa mort. Il s’invente, impose, un personnage de « sauveur » qui absorberait tous les malheurs de sa famille pour mourir en héros – c’est-à-dire, comme tout le monde, donner un sens à sa mort, ne pas mourir pour rien. La peur de mourir réveille en lui des sentiments à la fois extrêmement égoïstes et absurdement altruistes.


LE GLOB : Il est aussi question de vidéo…


Gilles Lefeuvre : En effet, le projet est l’utilisation d’une caméra qui filmera le plateau en plongée. Elle est là pour donner un autre point de vue sur l’action, et ainsi changer l’interprétation du spectateur sur une même scène. Kundera utilise cette technique de manière littéraire dans « La vie est ailleurs », c’est-à-dire un oeil dans le ciel qui donne une vision alternative de l’action. C’est une volonté de rendre le spectateur actif.
Je crois que la Juste la Fin du Monde est mon spectacle le moins « dissumulé ». Je n’ai pas envie d’être un metteur en scène qui rassure. Je veux qu’on me fasse confiance dans la prise de risque, dans l’essai.


LE GLOB : La distribution est assez jeune.


Gilles Lefeuvre : Elle colle aux personnages du texte original. J’ai privilégié une distribution très réaliste, et aussi la fidélité à mes compagnons de route, comme Laetitia Andrieu et Jean-Stéphane Souchaud qui étaient également dans la distribution de Histoire d’Amour et des Règles du Savoir Vivre dans la Société Moderne. De plus, nous avons tous plus ou moins 30 ans, comme les personnages. Comme eux, nous vivons un âge charnière, un âge de décisions.

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