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J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne

+ d'infos sur le texte de Jean-Luc Lagarce
mise en scène Catherine Decastel

: Note d’intention

par Catherine Decastel

« J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne » raconte l'histoire de cinq femmes qui ont passées des années à attendre, un fils, un frère. Lorsque celui-ci revient, il reste silencieux.
Commence alors un ballet de soins, d'observations, d'attentions particulières dans lequel chacune laisse exprimer le flot de ses inquiétudes. Devant ce silence, les frustrations ne peuvent plus être tues. Et dans ce flot de paroles, qui compense son silence, ces femmes cherchent à mettre du sens sur leurs années d'attente.
Et c'est l'amour qui est en jeu ici, l'amour qu'elles attendent toutes, pour que leurs années de non-vie, leurs sacrifices ne soient pas réduits au rien, à l'inutilité.
Qui n'a pas attendu un homme, un père, un frère? L'attente d'un être est une blessure ouverte et un repli obsessionnel sur une image projetée de lui. Cette attente, ce vide, où l'on peut tout imaginer, le meilleur comme le pire, est génératrice de souffrances. Lorsque l'on met en parenthèse sa propre existence pour l'autre, lorsque le souffle de vie se suspend dans l'espoir d'une nouvelle, que devient-on?
Il me semble que ce jeune fils et frère qu'elles ont toutes attendu, était le « dieu » de cette famille. Jamais elles ne parlent de leur regret d'avoir perdu leur père et mari, seul le fils compte. Il était destiné « à diriger la maison », « à la faire tourner autour de lui, car toujours elle tourna autour de lui ». A l'heure où nous assistons, dans de nombreux quartiers, aux diktat des frères qui imposent leur loi aux femmes de la famille, il me paraît intéressant de questionner ce type de structure familiale machiste qui nie toute place aux autres membres. Et surtout, questionner la responsabilité de ces femmes qui, en mettant sur un piédestal le ou les membres masculins de leur famille, participent pleinement à la continuité de ce machisme. Ce déni est une violence sourde dans laquelle, à mon sens, chaque membre de la famille désapprend petit à petit leur capacité intrinsèque à aimer de façon véritable. Comme dans de nombreuses familles, l'amour, sous prétexte de leurs sacrifices, est une arme qu'elles vont utiliser de manière égoïste et anxiogène pour demander des comptes. Et c'est bien au nom de l'amour et du sacrifice, que ces cinq femmes vont petit à petit glisser de l'amour et à la chosification de l'objet aimé. Ce sacrifice devient alors un chantage affectif ignoble où l'autre n'a plus de place. Elles se l'arrachent, lui, le fils et frère, elles le dépouillent de toute possibilité de choix, d'existence, de liberté. C'est un combat à mort qu'elles se livrent entre elle et où il n'a plus de place. Il ne compte plus vraiment. Seuls leurs projections et leurs besoins affectifs anxiogènes comptent.
A partir d'un travail de masque neutre, ces femmes vont créer autour de lui une danse macabre où le corps autant que les mots deviennent cet enjeu de possession de l'autre.
A partir d'un travail de masque neutre, ces femmes vont créer autour de lui une danse macabre où le corps autant que les mots deviennent cet enjeu de possession de l'autre.

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