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J'appelle mes frères

mise en scène Mélanie Charvy

: Présentation

J'appelle mes frères et je dis: il vient de se passer un truc complètement fou. Vous avez entendu? Un homme. Une voiture. Deux explosions. En plein centre.
J'appelle mes frères et je dis: non personne n'a été arrêté. Personne n'est suspecté. Pas encore.
J'appelle mes frères et je dis: préparez-vous. Ca va commencer.


Une lame glaciale me transperce en relisant ce texte que j'ai choisi de mettre en scène il y a maintenant plus d'un an. Ecrit à la suite d'un attentat à Stockholm, il devient aujourd'hui plus que nécessaire d'être entendu en France. Si beau pays défendant la liberté d'expression, nos frères sont pourtant en danger.


Mélanie CHARVY, 21 janvier 2015




Élève au Studio de Formation Théâtrale de Vitry-sur-Seine, j'avais pour habitude, tous les vendredis, d'assister et de participer à un exercice : les mises en espace de nos lectures hebdomadaires, un bon moyen de concrétiser théâtralement nos découvertes littéraires. Au mois d'octobre de l'année 2013, ce fut mon tour. Parmi les livres imposés : un exemplaire de J'appelle mes frères de Jonas Hassen Khemiri, un auteur qui m'était encore inconnu. Installée confortablement dans mon canapé, je me suis donc mise à la lecture de ce bouquin. Depuis ce jour, il ne m'a pas quitté.


Le personnage central, Amor (20 ans), est un enfant de l'immigration. Une immigration, qui s'est, certes, imposée à lui, mais qui devient progressivement une de ses caractéristiques. Il est tiraillé entre ses origines tunisiennes et sa vie en Suède. Ses doutes, ses frustrations et ses peurs sont ceux de toute une génération de jeunes gens.


Comment avoir 20 ans, aujourd'hui, en Europe ?


Bénévole au sein d'une association de quartier, je travaille chaque jour avec des enfants que le discours médiatique appelle « les enfants de l'immigration », plaçant ainsi toute une partie de notre jeune génération en marge de notre société. En somme, des individus considérés comme une « catégorie de second rang », ce qui peut nous rappeler les heures sombres de l’histoire. Ce que traverse Amor me permets de travailler artistiquement sur cette problématique.
Pour comprendre son état d'esprit et la complexité de sa personnalité, j'ai demandé conseil à une psychanalyste : Yasmina Picquart, qui travaille depuis des années sur ce sujet, afin de me guider dans l’analyse psychologique du personnage.
Plus le monde qui l'entoure devient suspicieux, plus Amor s'enferme dans une paranoïa. Jonas Hassen Khemiri nous plonge dans l'angoisse de notre génération de jeunes de vingt ans et plus particulièrement dans celle de la seconde génération d'immigration. L'évolution de la pensée d'Amor permet à l'auteur de nous dresser le portrait de l'état schizophrénique du monde dans lequel il évolue.


Et si le seul fait de parler devenait une épreuve ?


J'ai choisi de m'entourer de comédiens jeunes, tous âgés entre 18 et 22 ans, afin qu'ils puissent eux-mêmes nourrir les personnages qu'ils incarnent de leurs propres expériences et de leurs doutes de jeunes adultes. J'envisage le théâtre avec des comédiens qui me sont proches et avec qui j'ai déjà eu l'occasion de travailler. Une volonté de créer une troupe.
Au-delà du malaise de notre civilisation, Jonas Hassen Khemiri nous amène tous, artistes et spectateurs, à réfléchir sur notre condition au travers du personnage principal, confronté à son propre mal-être.
Par sa plume, l'auteur nous a plongé dans un long travail dramaturgique. J'ai donc réuni mon équipe artistique en premier lieu, afin d'échanger sur les fondements idéologiques défendus par cette pièce. Puis notre recherche s'est portée sur l'état du personnage central. Que se passe-t-il dans la tête d'Amor ? Pourquoi n'arrive-t-il pas à surmonter ses angoisses, à les dominer ou à vivre avec ? Pourquoi parle-t-il sans cesse de ce passage à l'acte qu'est l'attentat à la bombe commis dans la ville? Nous avons également longuement échangé et partagé nos propres expériences de jeunes adultes pour nourrir le jeu des différents personnages intervenant dans la pièce.
L'écriture de Jonas Hassen Khemiri contient de nombreuses adresses directes au public, ce qui à mon sens permet d'investir entièrement le spectateur dans l'histoire et de modifier sa position. Il n'est pas qu'un regard extérieur d'une pièce de théâtre, il est directement sollicité par les personnages à se questionner sur les inquiétudes qui traversent Amor.


Le spectateur, acteur et conscience de la fiction.


Notre équipe s’est ensuite réunie pendant trois semaines intensives en Juillet 2014 pour une résidence au Théâtre du Réflexe à Canohès (près de Perpignan).
J’ai utilisé ce temps précieux de création pour redécouvrir avec mes comédiens l’écriture de l’auteur. Metteur en scène et acteurs, choisissons ces métiers pour offrir au public le plaisir de la découverte de la beauté d’un texte. Jonas Hassen Khemiri s’empare du langage avec finesse, poésie et force. La pensée de chaque personnage est constamment précisée, détaillée, bouleversée par la plume d’un auteur digne d’un Koltès, d’un Lagarce ou d’un Noren.
Pendant de longues heures, j’ai amené mes comédiens à faire corps avec la langue, ses subtilités et l’importance des mots employés, admirablement traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy. D’abord, nous avons relu le texte en portant notre attention en particulier sur les figures de rhétoriques employés et leur donner sens. Puis, je me suis attachée plus particulièrement à une précision des intentions de jeu en donnant le plus souvent un sous-texte à celui d’origine pour enfin attaquer le travail de mise en espace sur le plateau.


L’acteur n’est qu’un corps, une voix au service de la beauté du texte.


Le travail sur scène est intervenu dans un second temps. J'ai fait le choix artistique d'un plateau assez nu en privilégiant avant tout la précision du jeu des comédiens et afin de laisser l'imagination du public libre dans sa perception visuelle. Je joue avec les perspectives en utilisant différentes hauteurs sur le plateau grâce à une estrade placée en fond de scène afin d'appuyer les passages paranoïaques d'Amor.
Les trois autres comédiens endossent successivement les habits des personnages qui marquent ou ont marqué la vie, la personnalité et l'évolution d'Amor, à la vue du public constamment bousculé et interrogé par cet être en souffrance.


En collaboration avec Corentin Clergeau et Tanguy Gauchet, nous avons créé un univers son et lumière changeant en fonction de l’évolution des émotions et inquiétudes d’Amor. Certains projecteurs sont directement placés au sol, permettant de jouer avec les ombres des corps projetées sur un grand drap blanc en fond de scène. Les musiques envoûtantes (notamment certains morceaux des Pink Floyd) éveilleront les divers sens des spectateurs.
Pour immerger le public dans l'intimité plus profonde des personnages, certains passages préalablement filmés sont projetés durant le spectacle, afin d’associer les jeux scéniques et cinématographiques, mixant ainsi tous les outils artistiques dont notre génération dispose. La vidéo est toujours utilisée comme un vecteur de jeu, ainsi les comédiens interviennent sur scène en lien avec la projection filmique.


Un univers où la lumière et le son font corps avec l’état des personnages.


Cette première création de la Compagnie Les Entichés s'inscrit dans une démarche d'ouverture culturelle pour tous. J'appelle mes frères, visant un public assez large, pourra susciter un vif intérêt dès l'adolescence (à partir de 13 ans). Notre équipe artistique, désireuse de pousser les mûrs du théâtre traditionnel, souhaite également présenter ce spectacle dans des lieux atypiques (centres de loisirs, collèges, lycées, MJC, centres sociaux, associations culturelles, lieux de détention, festival en plein air, etc.).

Mélanie CHARVY



Dans les lieux qui nous serons proposés et plus particulièrement dans les établissements scolaires et les centres éducatifs, un travail préalable pourra être envisagé autour de la dramaturgie du texte et sa structure, accompagné par l'équipe artistique.

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