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J'ai un nouveau projet

+ d'infos sur le texte de Guillermo Pisani
mise en scène Guillermo Pisani

: Présentation

Pau, Céline, Kurt, Mounir, Kacim… Plus de trente personnages hyperconnectés se côtoient au Woody’s Market, un bar parisien d'aujourd'hui, espace cool et flexible où les frontières entre travail et loisir, espace public et espace privé sont poreuses. Ils viennent avec leurs ordis, leurs smartphones, leurs tablettes, qu'un dispositif vidéo permet de donner à voir en direct. Qu’ils soient startupeuse, fonctionnaire, poète ou serveuse, ils gèrent tant bien que mal la tyrannie de l’instant et l’injonction permanente de la suractivité, au sein d’une société de concurrence généralisée où l’apparence de liberté est source d’une nouvelle aliénation.




« J’ai un nouveau projet ». Peu de phrases peuvent comme celle-ci traverser de part et d’autre l’espace social pour atterrir aussi bien dans la bouche d’une cadre de la Société Générale que d’un artiste, d’une startupeuse, d’un fonctionnaire du Ministère des Finances, d’un serveur ou d’une naturothérapeute…


En pensant à notre vie contemporaine, on serait tenté de paraphraser Rousseau, en le déformant un tantinet : « L’homme à l’air d’être libre, et partout il se sent contraint ». Et de reprendre La Boétie : « c’est le peuple qui, ayant le choix d’être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal ou plutôt le pourchasse ». Le triomphe du néolibéralisme et de l’organisation capitaliste « par projets » n’a pas été le triomphe de la liberté. Et pourtant, quand on regarde partout ailleurs, ce sont bien nos sociétés démocratiques, et nul autre système, qui se préoccupent d’instituer politiquement la liberté. Il me semble donc important d’interroger cette nouvelle « servitude volontaire » qui fait de nous les agents (hyper) actifs de nos propres contraintes. Le théâtre est un endroit où on peut mettre ces questions en jeu pour mieux les mettre en question.


Comme nous, les personnages de J’ai un nouveau projet subissent la tyrannie de l’instant qu’ils contribuent à produire. Nous les voyons évoluer tout près, au Woody’s Market, un bar parisien d’aujourd’hui où ils viennent avec leurs téléphones portables, avec leurs ordinateurs portables. Ils sont aux prises avec l’organisation de leur quotidien, leur travail, leurs désirs et leurs obligations, la coopération et la concurrence. Sous notre regard, ils essaient de vivre avec, de faire avec, et même d’inventer avec, de se réinventer, comme ils peuvent, dans cette société où chacun est potentiellement le concurrent de son voisin, où les liens sociaux, l’amitié, la famille, l’amour, le sexe, et des pans entiers de l’expérience sociale sont devenus des biens appropriables et commercialisables par de grandes entreprises capitalistes comme Facebook, Instagram, Linkedin, Tinder, Meetic, Amazon et de la myriade de startups qui aspirent à le devenir. Les choix se multiplient en faisant oublier qu’on n’a peut-être pas choisi ces choix-là, qui les propose ni pourquoi, et la pensée ne cesse de se figer en de petites cases, à force de likes et de hashtags, laissant peu de place à la nuance.


Ça pourrait être tragique, mais en fait on a envie de rire, comme le Dieu de Bossuet, qui « se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissant les causes ». Car même vaincus, malgré la solitude abyssale qui les guette, les personnages ne cessent pas de se battre, d’être en quête d’humanité. Mais qu’serait-ce donc l’humain ?

Guillermo Pisani

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