: Présentation
Le projet est né des échanges entre un jeune comédien de 27 ans, Maxime le Gall, et Cécile Backès, metteure en scène et directrice artistique de la compagnie. Tous deux sont donc associés à toutes les étapes du processus de travail, du choix des auteurs aux dernières répétitions.
COLLECTE DE TEMOIGNAGES : ENTRETIENS SOLOS ET COLLECTIFS
D’avril à juin 2010, entre Epinal et Paris, des entretiens individuels et collectifs ont eu lieu,
avec des jeunes anonymes, mais aussi avec des membres des collectifs Jeudi noir et
Génération Précaire1. Ces jeunes, témoins du réel, viennent de lieux et d’horizons divers : un
choix délibéré qui permet d’appréhender plusieurs réalités géographiques et sociales.
À Epinal — en 2010, la compagnie était associée à Scènes Vosges — nous avons mené des
entretiens avec des étudiantes de BTS et avec des apprentis (en coiffure, boucherie,
pâtisserie, vente, mécanique auto, préparation pharmacie) au CFA-Pôle des Métiers. Des
études supérieures, courtes et professionnalisantes, et un cursus en alternance, entre l’école
et l’entreprise, avec un premier CDD et un premier salaire.
À Paris, nous avons rencontré des doctorants, étudiants au cursus long, des jeunes entrés sur le marché du travail après des études courtes (commerce, vente, marketing, édition),
certains ayant déjà connu une période de chômage. Tous ont fait des stages, tous ont été ou
sont en relation avec Pôle Emploi.
PROCESSUS D'ÉCRITURE : ÉCRIRE DE COURTS TEXTES DE THÉÂTRE
Nous avons imaginé le projet avec 5 auteurs : Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal, Arnaud
Cathrine, Joy Sorman et François Bégaudeau.
Pourquoi 5 auteurs ? C’est l’image d’un collectif vivant, moderne, ouvert au dialogue, les
yeux et l’esprit rivés sur le réel. Une équipe d’auteurs au sein d’une équipe de théâtre, avec
un terrain de jeu commun : la scène.
Le passage de commande, pour ce projet, place l’écriture comme étape majeure d’un
processus de création : entretiens, écriture, spectacle.
L’écriture n’est pas originelle, mais elle est capitale pour passer du documentaire au
théâtre, et du témoignage individuel à l’imaginaire collectif.
Nous avons proposé aux auteurs les contraintes suivantes : 20 minutes (13 000 signes), 6
personnages — 3 filles et 3 garçons — des rôles de jeunes gens. Forme libre. À nous, les
artisans de théâtre, de proposer ensuite un montage de ces formes brèves.
Nous cherchons des formes et des formats qui correspondent à aujourd’hui : il s’agit de
donner naissance à des histoires, des fragments, des propos d’aujourd’hui. D’une certaine
manière, nous commençons par frôler le sol, exprès. Entendre ce qui se dit. Laisser faire
l’oralité. Et laisser les auteurs en faire leur miel. De là est venue l’envie de formes courtes
pouvant composer une unité.
Dans leur travail, les auteurs ont tous témoigné de l'oralité contenue dans les entretiens.
Cette question était une évidence : tous ces auteurs écrivent à l’écoute du réel qui les
entoure. Retranscrire ou traduire les formes de langage qu’ils ont entendu a fait partie du
jeu. Sans volonté de caricature ni de « jeunisme », ils ont cherché l’endroit juste où les
motifs de ces langages viendraient prendre place dans leur langue d’écrivain.
De plus, ils écrivaient pour la scène, le lieu du langage parlé. La scène est un lieu idéal
pour faire entendre des langues nouvelles. C’est donc aussi à l’endroit du langage que les
auteurs ont interprété le matériau de départ. Les auteurs, nourris de ces paroles de sources
différentes, ont construit chacun un récit ou un propos représentatif, qui s'adresse au
collectif.
MISE EN ESPACE : TRAVAIL AU PLATEAU AVEC LES COMÉDIENS
Nous avons réuni 6 jeunes comédiens : Maxime Le Gall, Noémie Rosenblatt, Nathan Gabily,
Issam Rachyq-Ahrad, Juliette Peytavin et Pauline Jambet -— certains déjà compagnons
artistiques de la compagnie, et d’autres, à peine sortis de l'école, qui bénéficient de
dispositifs d’insertion dans leur vie professionnelle d’acteur pour eux, réalité et fiction
seront de mèche…
En novembre 2010, nous avons travaillé une dizaine de jours avec les acteurs et une équipe
technique réduite, pour « éprouver » les textes et le montage. Nous avons fait une mise en
espace des textes à Théâtre Ouvert, dans le cadre de l’EPAT (Ecole Pratique des Auteurs de
Théâtre), suivie d’une présentation publique.
Ce moment de recherche nous a permis de tester et de confirmer des pistes de travail. Pour
les auteurs, qui ont repris certains points des textes depuis ; pour les acteurs, qui ont eu un
aperçu de la construction qu’ils auraient à proposer ; pour la metteure en scène, qui a pu
faire à l’équipe des propositions de montage, d’espace, de style de jeu sur chacune des
pièces. Et les reconsidérer, depuis, en vue d’une création du spectacle à venir. Nous avons
effleuré des choses.
Lors de ces quelques jours au plateau, le travail a été suivi et accompagné par Mariette
Navarro, jeune auteure et dramaturge. Nos conversations sur le projet en cours ont suivi le
fil directeur de la fragilité, de l’instabilité, de l’inconfort.
Déroulement d'une jeunesse, texte écrit pendant les répétitions
Mariette Navarro (extraits)
La jeunesse commence dans un carton (et finira dans une poubelle !)
Elle sourit, elle doute.
Elle ne sait pas si son sourire doit aller vers le haut ou vers le bas.
Elle attend.
Elle est éparpillée. (…)
Elle est toujours dans / sur / au milieu des cartons.
Elle n’a pas encore eu le temps de sortir de son emballage.
Elle pourrait être estampillée « fragile », on ferait plus attention.
Elle cherche un endroit où poser ses cartons.
Elle cherche où faire son nid.
Elle cherche comment s’asseoir confortablement.
Elle a le cul entre deux chaises.
Précarité est bien sûr le mot-clé. C’est celui-ci qui a amené la situation dramatique de
départ et guidé le travail des acteurs dans l’espace : difficulté de s’installer, de se poser
quelque part, ne pas tenir en place, autant de situations physiques renvoyées par les
entretiens et par les textes.
Les comédiens ont cherché une très grande rapidité et simplicité de jeu. Tout était dit
comme « en passant ». Et souvent en mouvement. Ce premier temps de travail au plateau
s’est révélé riche et dense, mais pour une part seulement : nous n’avons eu ni le temps ni
les moyens techniques de développer une écriture vidéo/son …
Depuis les débuts du travail sur J'ai 20 ans…, nous souhaitons pouvoir créer un lien
artistique concret entre le réel et la fiction, entre les entretiens — images et sons — et les
textes.
Une intuition nous guide : la matière de ces entretiens peut apparaître dans la construction
de la représentation. Sans venir prouver une quelconque authenticité — ces entretiens ne
constituent pas des preuves, mais du matériel. Sans venir perturber le déroulement
dramatique des textes, non plus.
Mais peut-être peuvent-ils venir « converser » avec le plateau ? Aujourd'hui, nous avons beaucoup de matériau. Et beaucoup de questions…
Comment faire entendre à la fois le propos individuel et l'écho collectif ? Faut-il associer
cette multitude de voix au texte, ou au contraire les en dissocier ? Que disent-elles, ces voix, qui n’a pas été entendu ?
Quel rôle peuvent jouer les images dans ce jeu de cubes sur la précarité ? Sont-elles une
représentation du réel ? Et si oui, quel réel incarnent-elles à côté de la réalité du corps des comédiens qui jouent ? Comment traiter cette image documentaire ? Ou plutôt : comment recréer du documentaire dans la représentation elle-même ?
Cie Les piétons de la Place des fêtes
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