Il ne s’était rien passé est une pièce à mi-chemin entre le récit et le théâtre. C’est de ce style littéraire hybride que vient l’intérêt scénique de ce texte, par la richesse des niveaux d’interprétation qu’il propose aux acteurs. Chaque personnage porte en lui un secret, chacun est tiraillé entre ce qu’il livre aux autres et ses pensées intimes. Ainsi, Pierre Astrié compose une oscillation originale entre différents niveaux d’adresse et nous contraint à créer des espaces temporels abstraits. C’est tout l’enjeu de la représentation théâtrale d’Il ne s’était rien passé, jouer avec la distorsion du temps et élargir le sas infime de la pensée. Donner à voir la tyrannie de l’esprit qui nous fait décrocher du réel et nous éloigne de ce qui se passe, un court instant, une éternité. Avec l’ensemble de l’équipe, nous allons travailler autour de la notion de contraste, récurrente dans l’écriture de Pierre Astrié, renforcée dans Il ne s’était rien passé par la charge météorologique de la pièce. Par la finesse de l’interprétation et grâce à la dextérité des acteurs, nous assumerons des ruptures de jeu franches, accompagnant les variations d’adresse proposées par l’auteur, contrastes que nous retrouverons dans le travail du son et des lumières, ainsi que dans la scénographie, où intérieur et extérieur se confondent, dans la simplicité et la force de matériaux bruts. Notre envie est d’emporter le public dans une grande proximité sensorielle avec le plateau, afin de tendre ensemble le fil des mystères de chaque personnage, dans un suspens feutré et captivant.

Noémie Rosenblatt