: Origine du projet
J’ai découvert Hélène Bessette par hasard - ma libraire parlait d’elle à un client, il est parti, j’ai pris le livre. C’était
Suite Suisse.
S’en est suivie une rencontre incroyablement forte avec cet auteur hors normes, fondatrice et membre unique du
Gang du Roman Poétique.
Après quelques mois de maturation, l’idée de Ida ou le délire, d’une seule voix, au théâtre, s’est imposée. J’ai
commencé à travailler.
Le travail de plateau proposé se revendique de ce que j’ai ressenti à la lecture de l’oeuvre. Fidélité à l’écriture pas
comme principe, mais comme jubilation.
La pièce, ombre portée de l’oeuvre littéraire, mais ombre portée comme au ciel, l’oeuvre littéraire comme tremplin
sur lequel on saute à pieds joints - et le corps projeté dans les airs. A la rencontre de Ida.
La langue.
Ce qui frappe d’abord, c’est cette écriture rêche, incroyablement précise, portée par un rythme suffocant.
L’expérience de la lecture est une expérience physiquement éprouvante. On suffoque, on est à bout de souffle,
on se détend, on rit, beaucoup, on lévite, on chute, on se glace. Il y a des sensations très nettes de froid, de
chaleur, d’ombre, de lumière. Une traversée physiologique qui compromet tous nos systèmes internes.
Je ne sais pas comment elle fait ça, c’est comme si les mots étaient couverts de plusieurs couches d’écorce et
elle, elle opère comme une scission, comme si brusquement l’écorce explosait, et on a à faire au mot nu, vif et
nu. Atomique.
Ces mots nus, c’est ce qui m’a donné envie d’essayer. Est-ce qu’ils pouvaient passer par la parole de l’acteur sans
que la voix les couvre à nouveau d’écorce ?
Une voix humaine peut-elle se couler dans la voix d’encre d’Hélène Bessette ?
La présence.
Le choc de cette langue un tant soit peu surmonté, c’est un rapport à soi-même et au monde. Une impression
d’acuité intense des sens, d’une perception plus nette, pas d’une réalité objective mais de ce qui nous appartient
en propre dans notre façon d’être et de percevoir, d’agir, de comprendre.
C’est une matière incandescente qu’on a entre les mains. Ça pulse, dans le sens du pouls, du passage du sang dans les veines, de la montée du sang au cerveau, du passage de l’air dans le corps. Des pieds à la tête. La cadence effrénée du texte est celle de la vie.
Irrésistiblement, on est attiré dans cette veillée funèbre qui ne finira jamais. On est chacun une non-Ida, face à l’absence de Ida. Face au mépris. A la diminution. Au délire de vouloir être. Etre-humain.
Anaïs de Courson
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