theatre-contemporain.net artcena.fr

Histoire d'une vie

mise en scène Bernard Levy

: Note d’intention

Ce sont différents lieux de vie qui se sont enchaînés les uns aux autres dans la mémoire, et convulsent encore. Une grande part est perdue, une autre a été dévorée par l’oubli. Ce qui restait semblait n’être rien, sur le moment, et pourtant, fragment après fragment, j’ai senti que ce n’étaient pas seulement les années qui les unissaient, mais aussi une forme de sens.

J’ai découvert l’oeuvre d’Aharon Appelfeld il y a plus de 10 ans. La complexité de son univers fictionnel, la simplicité de sa langue et la sensibilité de ses interrogations me touchent à chaque nouveau livre que je lis. En 2004, paraissait Histoire d’une vie (Prix Médicis étranger), son premier livre explicitement autobiographique. Je fus frappé par la force du combat qu’il y décrit : son combat pour devenir écrivain en acceptant ce qu’il est et d’où il vient. C’est ce parcours que je désire aujourd’hui mettre sur scène. Je ressens une proximité unique avec cet écrivain. Ce qu’il écrit fait sans doute écho à ma propre vie, non dans les faits bien sûr, mais dans cette volonté farouche de s’arracher à tout déterminisme en écrivant sa propre histoire. Lui par la littérature, moi par le théâtre.


Le parcours d’Aharon Appelfeld est unique : orphelin à 8 ans, il va s’échapper d’un camp ukrainien et errer seul dans les forêts jusqu’à la fin de la guerre. À 13 ans, il débarque en Israël. Commence alors la lente et douloureuse prise de conscience de sa vocation littéraire. Il est aujourd’hui l’un des plus grands écrivains israéliens vivants. Il a 80 ans et vit à Jérusalem. Cette trajectoire est pour moi celle d’un véritable héros. Histoire d’une vie, c’est le récit à la première personne d’une lutte. Une lutte pour reconstituer sa mémoire, pour accepter de trouver le silence qui l’a entouré pendant la guerre et le faire revenir vers lui, car « dans ce silence était cachée mon âme ». Une lutte pour ne pas perdre sa langue maternelle tout en acceptant d’en faire sienne une autre, l’Hébreu. Un combat permanent entre le présent, celui de l’homme nouveau israélien, et le passé, celui de l’enfant juif rescapé des camps.


L’écriture est simple, économe. Elle mêle fragments de mémoire et réflexions sur la langue, la mémoire et l’identité, avec une grande finesse et une grande émotion. J’ai le sentiment que le théâtre peut naître de cette parole, de ce drame constitué par la lutte d’un homme pour devenir lui-même. À travers la voix d’un acteur, la musique, si présente dans l’oeuvre d’Appelfeld, le mélange des sons et des langues, on pourra faire entendre et amplifier cette écriture unique et donner à voir le combat d’un homme traversé par des forces contradictoires. Paradoxalement, du récit d’une vie si singulière se dégage l’universalité de la quête menée par tout homme : la quête d’une histoire individuelle et personnelle que l’on construit à la fois avec et contre les déterminismes historiques et culturels.

Bernard Levy, Jean-Luc Vincent

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.