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Hamlet ou La Fête pendant la peste

+ d'infos sur l'adaptation de Bertrand Sinapi ,
mise en scène Bertrand Sinapi

: Présentation

Qu’est-ce que le pouvoir ? Si je m’en méfie, dois-je me retirer de la vie civique ? Ou bien dois-je le conquérir pour réaliser mes convictions ? Que faut-il
 abandonner pour régner ? Quel effet le pouvoir a-t-il sur les hommes qui l’exercent ? Qui a le pouvoir ? Que faire ? Agir pour l'obtenir ? Et ensuite qu'en faire ? Ou le fuir et subir les assauts du monde ?
Ces questions de départ nous ont conduites vers le mythe d'Hamlet, où est disséqué le pouvoir, celui qui s'exerce au sein d'un état, d'un lien amoureux, des liens familiaux, celui que Claudius arrache à son frère, celui qu'Hamlet refuse d'exercer, celui qu'Ophélie prend sur sa propre vie.


Notre génération porte le fardeau de la désillusion de la génération précédente. Nous avons toutes les armes pour analyser ce qui ne fonctionne pas mais ne voyons plus comment agir pour changer quelque chose à quoi que ce soit. Comment puis-je agir si on m'a appris que le monde ne pouvait pas changer ? Dois-je régler mes désir sur les capacités du monde ? Alors arrive la tentation de la résignation. Mais pouvons-nous nous permettre de nous résigner ? Est-ce là un choix acceptable ? Être ou ne pas être ? Agir ou ne pas agir ? Nous sommes tiraillés entre la nécessité de l'action et la peur, nous ne pouvons pas rester assis sans rien faire et nous ne savons pas non plus comment agir, comment construire un monde à notre image.
Hamlet a été depuis sa création le mythe du jeune humain perdu dans le monde entre son action et son inaction. Ce jeune homme que tout pousse à la vengeance et qui pourtant n'agit pas est un miroir. Car agir pour Hamlet, c'est prendre le pouvoir. Agir, c'est se placer dans la lignée de ceux qui ont régné, son père tout autant que Claudius. Et tuer Claudius, c'est être le prochain roi, c'est être responsable de ce qui se fera.


Monter Hamlet pour nous, c'est questionner l'agir, questionner l'inaction. C'est demander comment la question du politique peut se porter sur la scène aujourd'hui. C'est demander qui prend la parole et qui la porte. C'est demander pourquoi Ophélie est bâillonnée, par la situation, par les règles, par l'auteur et son siècle. C'est dire qu'aujourd'hui, quelque part, Ophélie peut parler.
Le garçon qui ne parle pas, c'est celui qui ne parle pas sous les coups de la torture, celui qui résiste, mais c'est aussi celui qui se tait quand tout l'incite à hurler, quand le devoir le pousse à l'action. Être ce garçon qui parlera, c'est faire entendre notre voix, ce que nous avons à dire. Être le garçon qui parle, c'est pour nous ce qu'est la force du théâtre : un endroit où la parole peut aujourd'hui encore être entendue.


Comment j'agis au théâtre, si on m'a appris que tout y a été fait, que je n'y inventerai rien ? Monter Hamlet, pour notre compagnie qui est tournée vers les écritures d'aujourd'hui, c'est poser la question de la tradition théâtrale et de sa réappropriation. C'est poursuivre le geste de Shakespeare qui se sert de l'histoire de ce prince scandinave pour traiter de son temps. Il a fait d'un guerrier qui sans ambiguïté feint la folie pour protéger sa vie, un être qui se mortifie de ne pas agir, un être qui se perd dans les dédales de sa raison, de ses lâchetés, de ses amours.


Quels glissements sont à opérer sur ce mythe aujourd'hui ? Nous utilisons la structure, la force et les mots de la pièce shakespearienne, en y incrustant les problématiques qui sont les nôtres, les mots qui sont les nôtres. Ceux de notre monde, des murs qui isolent les populations, des ruptures entre les couches sociales et familiales, de la désignation de l'autre comme étranger, de la désignation de l'opposant en terroriste, de l'utilisation barbare de la terreur, de la suprématie d'un pouvoir contre lequel on se sent ne rien pouvoir. Nous l'augmentons de nos références contemporaines pour faire apparaître un Hamlet à notre image.


Notre intention à travers cette « adaptation », « réécriture » « ré-interprétation » et sa mise en scène est de faire d'Hamlet non un reliquat historique mais un texte actuel qui regarde aujourd'hui grâce aux yeux d'hier. Hamlet meurt en demandant que l'on raconte son histoire, nous nous nous en emparons, en mêlant cette parole ancienne à nos mots d'aujourd'hui. En faisant entendre quelque chose du bruit du monde, ce bruit que l'on est tellement habitué à entendre gronder autour de nous que l'on en oublie la signification.


Notre question initiale était : Que Faire ?
Notre réponse, c'est cet Hamlet, le nôtre. Nous nous emparons de cette question avec l'espoir de changer un peu de notre monde, à l'échelle infime que nous représentons: en usant de nos armes, celles de l'art et de la poésie.


Hamlet ou la fête pendant la peste est la composante principale du projet Je suis le garçon qui ne parlera pas, un chemin vers Hamlet. Le projet se présente sous la forme d'un diptyque constitué d'une création théâtrale et de plusieurs formes courtes performatives qui traitent de la question de l'action et de l'inaction. Un site dédié au projet fait état du processus de création: http://www.ciepardes.com

Bertrand Sinapi et Amandine Truffy

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