: Note d’intention
par Daniel Mesguich
En 1977, répondant à l’invitation de Georges Lavaudant et Gabriel Monnet, alors codirecteurs du
Centre dramatique national des Alpes, Daniel Mesguich mettait en scène à Grenoble
l’oeuvre la plus célèbre et la plus travaillée du répertoire théâtral occidental. A bien des
égards, ce devait être là un événement fondateur de son parcours.
Pour la première fois, Daniel Mesguich jouissait d’une véritable production pour mettre
en scène un grand spectacle où tous les postes étaient tenus par des professionnels. Pour
la première fois apparaissait dans le décor un théâtre dur sur le plateau, une scène sur
une scène. Outre qu’il fut autant admiré que décrié, le spectacle, qui fut ensuite repris à
Nanterre dans le cadre du Festival d’Automne, affermissait les premières armes forgées
par les spectacles précédents, et en affûtait de nouvelles, jaillies du fonds inépuisable
de l’« écriture-Shakespeare », tant et si bien qu’on peut presque l’identifier avec toute
l’aventure du Théâtre de Miroir et Métaphore. Daniel Mesguich a souvent dit qu’Hamlet
avait mis en scène la plupart de ses spectacles. Du reste, Shakespeare ne l’a plus quitté
depuis, et, en 1986, au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, il a présenté une deuxième
version d’Hamlet. Daniel Mesguich jouait alors Hamlet. Pour lui, Hamlet est la pièce infinie
qu’il rêve de monter et remonter tous les dix ans. Le spectre, Hamlet (le père), plus qu’un
personnage, était plutôt Hamlet (la pièce), et était interprétée par tous les acteurs de la distribution
à la fois. Le spectre était le spectacle. Daniel Mesguich commença à penser que
l’on pouvait travailler le théâtre en y intégrant des effets de machinerie plus complexes que
les effets de machinerie traditionnelle : « magie » disent certains. En 1996, une troisième
version de Hamlet voit le jour à La Métaphore de Lille. C’est tout naturellement qu’il revient
à nouveau, un peu plus de dix ans après, à son « work in progress ».
Aujourd’hui, je remonte Hamlet.
que fort ouvragées. Je me souviens avoir entendu dire que chacune de ses lignes était
savamment préparées… » C’est Hamlet qui dit cela aux comédiens de la cité à propos
d’une pièce jouée jadis. Cela pourrait être dit d’Hamlet. Que chacune de ses lignes soit
savamment préparée, de cela on peut être certain, et chaque nouvelle lecture les fait plus
savantes encore. On n’en a jamais fini avec Hamlet, c’est comme un fleuve gros de l’infinité
des sens, et aujourd’hui je le remonte.
Depuis que je l’ai mis en scène la première fois, Hamlet, spectre de toutes les pièces du
monde, n’a cessé de hanter tous mes travaux. Il y a plus de quarante ans, je disais : « Ce
qu’il faudrait, ce serait remonter Hamlet tous les dix ans. » Non pas dans le vain espoir
d’en finir un jour, mais pour se mesurer. Non à lui, mais à nous-même. Un duel encore,
mais celui-ci n’est pas meurtrier. C’est d’amour qu’il s’agit. Oui. Je remonte Hamlet.
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