theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Fuck Me »

Fuck Me

Marina Otero ( Mise en scène )


: Entretien avec Marina Otero

Quelle est l’origine de cette pièce ?


Fuck Me est le dernier volet de la trilogie Remember To Live (Recordar para vivir), un projet au long cours dans lequel je suis mon propre objet de recherche et qui a à voir avec le passage du temps. Surtout, parce que j’adore qu’on parle de moi. Et si je ne parle pas, qui parlera ? Qui offrira son corps à ma cause narcissique, pour la gloire, sans rien en retour ? Quel corps va pouvoir raconter ma vie jusqu’à ma mort ? Le mien seulement.


D’où vient cette obsession pour l’autofiction ?


L’écrivain français Serge Doubrovsky a inventé ce mot à la fin des années 70 pour définir un genre de fiction qui croise l’histoire réelle de la vie de l’auteur avec une histoire de fiction.
« Si j’essaie de me souvenir de moi, je m’invente moi-même », disait-il. Peut-être qu’on peut aussi prendre cette phrase à l’envers : si je vis la vie que j’invente, je peux me permettre de me souvenir d’autres choses.
Ce qui m’intéresse, c’est le passage du narcissisme au sacrifice offert à l’autre, au spectateur. L’ego donne l’impulsion pour nous venger de ce que nous avons perdu. Je vois la fiction comme un champ de bataille pour rendre justice à ce qui n’a pas pu avoir lieu dans la vraie vie. Mais en même temps, la guerre est réduite à cette simple alternative : gagner ou perdre. Je suis obsédée par la recherche d’un territoire fictionnel dans lequel soumission et rébellion sont mêlées, et où le corps – jusque-là intime – devient universel.


Comment avez-vous intégré l’accident dans ce projet artistique ?


Dans les processus de création, je travaille à partir de ce qui est en train de se passer. Si le corps vit, il se transforme au fur et à mesure de l’œuvre. Durant la création de Fuck Me, la question de la limite de la douleur était très difficile ; la seule chose qui m’a sauvée a été de la montrer, en ne cachant rien. M’observer comme si j’étais étrangère à moi-même a sans doute permis que je puisse entrer et sortir, et construire une fiction avec toute cette réalité insupportable.


Qu’est-ce que le corps pour vous ?


Artaud a écrit et publié un texte après avoir été interné dans un hôpital psychiatrique pendant neuf ans : « Mon corps m’appartient. Je ne veux pas leur laisser. Beaucoup de choses circulent dans ma tête. Dans mon corps, rien d’autre que moi ne circule. »
Avant ce spectacle je pensais que le corps se régénérait vite. Vous vous blessez et deux mois après vous recommencez à danser. Peut-être que cette œuvre m’a donné la conscience de la finitude ; le corps est le lieu où le passé, le présent et le futur sont contenus. C’est la seule chose que nous avons.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.