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Mademoiselle Else

mise en scène Nicolas Briançon

: Entretien avec Nicolas Briançon

Propos recueillis par Stéphanie Tesson

  • « Il y a une Else en chacun de nous »

D’où vous est venue l’envie de monter Mlle Else ?


En acceptant la proposition de Philippe Tesson pour refaire une adaptation de la nouvelle de Schnitzler, je me suis souvenu du spectacle monté par Didier Long avec Isabelle Carré en Mlle Else, il y a quelques années. Contrairement à lui, j’ai préféré me passer de la présence des autres personnages qui entourent la jeune fille pour vivre toute l’histoire par son seul prisme à elle, voir tout à travers son regard. Le monologue s’est imposé tout naturellement.


Et vous avez travaillé le texte dans ce sens ?


Oui, mon adaptation procède de ce travail d’intériorisation : j’ai essayé de me prendre pour Mlle Else comme si j’allais la jouer. J’ai procédé par élimination, dégraissage du récit, afin qu’elle assume toute la narration.Tout ce qui est raconté passe par elle. C’est étonnant d’ailleurs de penser qu’un homme de 65 ans soit parvenu à entrer à ce point dans la tête d’une jeune fille. Cela me fait penser aux Nôs japonais, où les très vieux acteurs jouent les personnages de jeunes filles...


Comment avez-vous choisi votre interprète ?


J’ai découvert Alice Dufour grâce à François Vincentelli, son partenaire dans Le Canard à l’orange de W.D. Home. C’est une comédienne qui vient de la danse, son rapport au corps est forgé par cette discipline. Je voulais quelqu’un qui ne porte pas d’emblée sur elle la tragédie, qui ait une fraîcheur, une spontanéité, un appétit de la vie, pour que son affrontement au destin qui l’attend soit d’autant plus violent.


Pensez-vous qu’aujourd’hui le public soit encore sensible à cette histoire très marquée par les moeurs de l’époque ?


Bien sûr ! On est tous porteur d’une Else en nous. La question de la sexualité avec tout ce qu’elle comporte de terrifiant et d’excitant est intemporelle et touche toutes les générations, qu’on soit homme ou femme. Le grand bouleversement qu’elle provoque à l’adolescence quelle que soit la morale reste quelque-chose de très fort, les liens entre le sexe et l’argent aussi. Le paradoxe Eros/Tanatos nous traverse tous.


Pensez-vous qu’Else meure à la fin ?


Je n’ai pas encore résolu ce problème, mais je pense qu’elle fait ce qu’il faut pour disparaître de la scène. Elle ne dit jamais « : « Je veux mourir ! ». Son geste final rappelle tous les accidents liés à l’adolescence, comme celui de Roméo et Juliette.


Vous avez eu recours à la vidéo comme seul support scénique ? Pourquoi ?


Je ne voulais pas être dans un décor trop matérialisé, mais plutôt évoquer un univers, des présences. Le son seul ne me suffisait pas ; j’avais envie d’images : une main, un visage, un bout de monocle... et aussi ces fameuses montagnes qui se dressent dans le paysage. Elles seront évoquées à travers l’exploration du corps de Else par des projections de genou, d’omoplates, de seins...


Vous ne figurez pas l’espace de l’hôtel donc ?


Non, je pars du principe que les spectateurs sont dans la salle comme les clients dans le hall de l’hôtel. Le contexte des années 30 dans lequel j’imagine Else est celui de Schnitzler. Quant aux costumes dont s’occupe Michel Dussarat, ils sont plus évocateurs qu’historiques. J’aime bien partir de ce que j’ai et construire mes spectacles avec des artistes complices, avec lesquels je me sens en affinité. La notion de plaisir est très importante pour moi dans le travail.


  • Propos recueillis par Stéphanie Tesson
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