"On ne sait pas vraiment quand ni comment ça commence. Dans une atmosphère incertaine, Elle, chanteuse de cabaret, est déjà là.
Dès le début sa voix attrape et ne lâchera plus les spectateurs bouleversés, forcément bouleversés, car ce n'est pas une chanteuse rodée qui déroule son show impeccable, mais un cri retenu qui déambule devant eux, au milieu d'eux, les fuyants ou les réclamant tout au long d'un parcours quasi initiatique, détresse d'une femme prisonnière d'un modèle, détresse du modèle lui-même. Et où l'on entend une voix, donc. Non pas la performance calibrée d'une voix mais sa présence, intense, dont le jeu puise avec justesse dans l'ambiguïté du velours chaud des graves autant que dans le malaise instable ou explosif des aigus. Pur joyau en équilibre.
Un musicien suit ce long cheminement. Tour à tour accompagnateur placide, béquille bienveillante ou initiateur malin, il tisse avec Elle un univers musical sensible et fragile, au spleen délicat qui convoque autour de son Fender-Rhodes la mélancolie poignante d'un Chet Baker ou d'un Jay Jay Johanson. En arrière-plan, comme en écho aux affres du personnage, un subtil continuum électronique mouvant, mélange d'une B.O Lynchienne et d'improvisations sur lesquelles semblent s'amuser des voix fantômes de Marilyn, laisse émerger et se dissiper librement chansons-standarts de l'icône et compositions personnelles aux thèmes entêtants.
Les versions sont effeuillées, rugueuses parfois, jamais lisses, et prennent leur place non pas entre mais au cœur des confidences et des errements de leur interprète. Jusqu'au dénouement...
Plus qu'un tour de chant, ce spectacle est un numéro de funambule."