Après Si ce n’est toi de Edward Bond, Kiwi de Daniel Danis et Sauve-toi Pinocchio ! de Olivia Duchesne, dans un souci de continuer de pratiquer un théâtre au plus près de l’humain, nous avons choisi de travailler sur un texte de Fabrice Melquiot, Eileen Shakespeare. La vie de cette femme sur six siècles depuis le Londres de la Renaissance à nos jours, nous questionne sur notre rapport à l’art, à la reconnaissance de notre art dans notre société. A travers ce texte, Fabrice Mequiot pose la question de la créativité :  « Quelles sont les tâches de la créativité dans un monde qui évolue lui-même à tote allure ? ». Comment la mise en jeu du corps de Eileen Shakespeare nous bouscule, nous interroge ?

C’est dans les affres du conflit père-fille, frère-soeur, homme-femme, dans les affres de la lutte pour déjouer le destin «attendu» d’une femme, que la mise en scène tentera de tisser un lien avec le spectateur pour l’entraîner au coeur de la question humaine qu se pose Eileen Shakespeare : comment aller au bout de nos choix ? Comment vivre insoumise ?

La mise en scène s’attachera à faire résonner la langue de Fabrice Melquiot, son souffle, son tempo aussi vertigineux que le parcours du personnage. Nous chercherons également comment passer d’un espace de parole à l’autre, du je au elle, des scènes dialoguées aux lettres, en passant par les récits au passé et les confessions intimes. Que devons-nous montrer ?

Une attention particulière sera portée à la robe de mariée, hautement symbolique. Robe de mariée, robe-page blanche, robe-prison. Eilleen Shakespeare se change mais l’ombre de cette robe plane sur toute la pièce. Comment le flux de la robe nous entraîne dans tous les lieux cités dans le texte ? Comment en un mouvement de robe oscillons-nous entre monde contemporain et période élisabéthaine ? Comment montrer que son corps devient par moment objet de son art ? Comment faire apparaître la métamorphose du personnage ? Une métamorphose comme un moyen d’appréhender le monde.

La robe de mariée citée dans le texte sera présente du début à la fin. Elle aura la forme d’une robe mais peut-être pas puisque le texte raconte suffisamment de choses. C’est près de la robe qu’Eileen Shakespeare apparaît pour la première fois et c’est de cett robe qu’elle va tenter de se séparer.
Un travail avec la vidéo est envisageable, avec la robe comme écran peut-être. On pourra y représenter les lieux, le temps qui passe, la conscience du personnage, Eileen dialoguant avec sa conscience.
En prenant compte de tous les personnages cités dans la pièce, on découvre que certains n’auraient pas pu se croiser parce que trop de temps les sépare. Mais Eileen Shakespeare les a tous rencontrés. D’Elisabeth 1ère à Elias Mann. Les temps se croisent, les espaces s’interpénètrent et cette femme est à la fois actrice et spectatrice de sa vie.

Laurent Rossini