Pourriez-vous préciser ce qui fait la matière et en même temps le sujet de votre spectacle Du vent… des fantômes ?

Ève Bonfanti : Ce n’est pas facile. Disons que c’est quelque chose qui est de l’ordre d’une virtuosité du rien. C’est un jeu d’illusion, de magie. On travaille sur l’infime différence entre le réel et le fictif, entre la personne et le personnage. C’est un spectacle qui se concentre sur ce moment particulier ou ces moments particuliers où l’on bascule dans l’imaginaire.

Yves Hunstad : À un moment, le spectateur doit se dire que ce n’est plus possible de continuer comme ça. En fait, ce qu’on essaie de développer, c’est un théâtre tout à fait naturel. On essaie de rappeler que le théâtre naît d’abord d’une relation entre le public et les acteurs. Qu’il n’existe pas sans cette relation.

E. B. : Chaque spectateur regarde le théâtre de son propre point de vue. Il a sa propre vision qui est différente de celle de son voisin. Nous jouons avec ça. C’est très léger. Une légèreté joyeuse, c’est un jeu, même s’il s’agit au fond d’une réflexion sur la nature profonde du théâtre. On se dit qu’on fait du théâtre quantique au sens de la physique quantique où le fait même d’observer un phénomène en modifie les données. Dans notre théâtre, chaque instant de vie est le potentiel d’une histoire. Au fond, notre espace de création, c’est l’instant présent.

Du coup, cela peut s’avérer assez vertigineux comme expérience pour le spectateur ?

E.B. : Le public a l’impression que la représentation se confond avec la conception même du spectacle. Comme si tout cela était en train de s’inventer directement sous ses yeux.

Y. H. : Les acteurs sont dans une tension très forte car chaque moment a une valeur déterminante pour le destin du spectacle en cours. C’est quelque chose d’extrêmement périlleux pour les acteurs. On n’arrive pas à se comprendre et le public qui est là avec nous assiste à ça alors qu’on n’a rien préparé. On est en plein chaos, au bord du gouffre, rien n’est prêt. C’est une situation métaphysique, inquiétante, drôle.