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Du fond des gorges

+ d'infos sur le texte de Pierre Meunier
mise en scène Pierre Meunier

: Note d'intention

« Ce qui distingue la poésie de la parole machinale, c’est que la poésie justement nous réveille, nous secoue en plein milieu du mot. Ce dernier se révèle alors à nous d’une étendue bien plus vaste que nous ne l’imaginions, et nous nous souvenons soudain que parler veut dire : se trouver toujours en chemin. »
(Ossip Mandelstam)


À plus d’une année du début du travail, il m’est toujours difficile de donner un aperçu de ce que sera le spectacle à venir. Cette difficulté est liée à la part essentielle d’improvisations et d’explorations dont le spectacle sera l’aboutissement. Et donc à l’incapacité où je me trouve à cette heure de pouvoir en préciser la nature et la teneur.
Le texte, l’espace, le son, la lumière, la machinerie, sont en effet testés, expérimentés, modifiés jusqu’à la veille de la première représentation publique. Et ce travail d’ajustement se poursuit tout au long de l’exploitation.
C’est ainsi que j’ai procédé pour tous les spectacles précédents, entouré d’une équipe qui s’est appropriée ce processus et partage avec moi ce goût pour un type d’aventure théâtrale qui se découvre dans le temps de sa fabrication.


Aujourd’hui (juin 2010), je ne peux que faire part de mon désir d’écrire et d’ouvrir un chantier de travail autour de la question du rapport conflictuel entre le mot, le sens et la pensée dans l’enceinte du corps qui parle. Ou qui voudrait pouvoir parler. Et qui s’étonne que ça n’aille pas de soi.
Cette bataille incessante entre les mots qui voudraient être dits pour eux mêmes, pour se déployer dans toute leurs dimensions, et la pensée qui les enrôle ( de force ?), les réduit au statut de fantassins d’une offensive communicante qui leur est étrangère.
Il s’agirait de redonner une existence concrète à la force soulevante des mots, constamment amputée par l’usage pauvrement informatif du langage tel qu’il est pratiqué aujourd’hui.


Redécouvrir l’étrangeté sidérante de la parole, phénomène aux pouvoirs multiples, favorisant l’échange lumineux et pacifiant des hommes entre eux tout autant que les pires excès de violence politique et criminelle.


Trois hommes auront sur le plateau la tâche périlleuse et hautement excitante de réincarner le langage, de se le réincorporer, en dépit de tous les obstacles qui se dressent entre le désir de dire et le moment où la parole s’élance pour enjamber ce qui sépare, et faire vibrer en l’autre ce que nous avons de commun et de vital à partager.


Un trio donc, formation musicale par excellence, où le 2 a souvent à faire avec l’1.
Trois, c’est la naissance du collectif, du choeur, mais aussi de la discorde, du rapport de force, de la domination du nombre sur l’individu.
Trois, comme le trio clownesque du discoureur savant, du bégayant gaffeur et du logicien embourbé dans sa spirale.
Jouer avec les mots et leur sens, avec l’indocilité, la soif d’indépendance, l’espièglerie des mots. Descendre à l’étage des lettres, des lettres en tas, faire valser les mots entre eux, conduire des phrases au gouffre, tenter de mettre de l’ordre dans la chaîne de commandement entre la pensée, les mots, la phrase et la voix pour les dire…
Le rapport au son sera évidemment central et Alain Mahé sera le provocateur – perturbateur inspiré de nos tentatives langagières.


Trois acteurs au parcours marquant et singulier : François Chattot, Pierre-Yves Chapalain, et moi-même, qui partageons ce même désir d’en découdre avec ce qui est aussi origine et essence du théâtre : une profération de vive voix à la communauté rassemblée.

Pierre Meunier

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