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Des territoires (Nous sifflerons la Marseillaise)

+ d'infos sur le texte de Baptiste Amann
mise en scène Baptiste Amann

: Note d'intention

par Baptiste Amann

Des territoires est un texte que j’ai écrit durant l’année 2013 et que je mettrai en scène au cours de la saison 2015-2016. C’est le premier volet d’une trilogie dont l’axe fondamental serait : Quelle révolution appellera le 21ème siècle ?


Le titre Des territoires est une référence au concept de déterritorialisation de Gilles Deleuze et Félix Guattari (Anti-OEdipe) qui décrit un processus de rupture entre les relations antérieures relatives à un territoire et leur réactualisation dans d’autres contextes. J’ai vécu en banlieue pendant dix-huit ans. D’abord en « cité », puis dans une résidence de relogement où les conditions de vie sont dites plus agréables. C’est un univers extrêmement cloisonné dont on espère se « déterritorialiser » au plus vite. Mais ces structures de relogement, censées offrir aux habitants un espace plus propice à l’épanouissement, ont été ensuite entourées elles-mêmes par d’autres cités HLM.
L’ouverture nécessaire induite par le principe de déterritorialisation s’est aussitôt vue obstruée par le jaillissement sans cesse renouvelé de l’urbanisation. La distance pour en échapper est devenue exponentielle. C’est donc à l’intérieur de ces espaces gigognes dans lesquels se cristallisent les rivalités territoriales qui agitent le monde depuis des siècles (conflits identitaires, communautaires, rapport à la légitimité par l’opposition nature/culture, rapport à la culpabilité induite par le clivage colon/colonisé) que j’ai voulu situer la pièce. Mon intention est de parler à travers le ressouvenir de ma propre expérience, de l’impact qu’ont les territoires sur notre personnalité, et à quel point ils déterminent aussi notre rapport au monde. Le phénomène est complexe, et pour ne pas verser dans l’amalgame je veux aborder la notion de territoires à différentes échelles : - La famille : qui est un territoire abstrait d’ordre ethnologique, mais qui propose un schéma où des lois typiquement territoriales ont cours pour créer une hiérarchie des rapports. - La maison : le lieu de l’enfance mais aussi celui de l’héritage. Celui qui catalyse les souvenirs de l’enfance, l’établissement d’un patrimoine mais également les ambitions de ventes et d’oublis. Dans le cadre de la pièce la maison est également une zone de repli vis-à-vis d’un extérieur qu’on envisage comme hostile. - Le quartier : parler des territoires c’est forcément évoquer la ségrégation qu’ils impliquent, qu’elle soit raciale, religieuse ou sociale. Les zones urbaines périphériques sont intéressantes car on y observe un renversement du rapport dominant-dominé. C’est pourquoi j’ai voulu situer la pièce du point de vue d’une famille blanche de la classe moyenne plutôt que de celui d’un groupe de jeunes à casquettes trop souvent stigmatisés.- Le quartier : parler des territoires c’est forcément évoquer la ségrégation qu’ils impliquent, qu’elle soit raciale, religieuse ou sociale. Les zones urbaines périphériques sont intéressantes car on y observe un renversement du rapport dominant-dominé. C’est pourquoi j’ai voulu situer la pièce du point de vue d’une famille blanche de la classe moyenne plutôt que de celui d’un groupe de jeunes à casquettes trop souvent stigmatisés.


- Le monde : à notre époque, qui voit se croiser les retours de bâton de deux périodes historiques, celle du capitalisme outrancier avec la crise économique, et celle de la colonisation des terres et des biens par l’Occident avec la montée du radicalisme religieux et l’inflation du terrorisme motivée par une ambition de reconquête, les vainqueurs d’hier ne sont plus assurés de jouir encore longtemps de leur toute puissance.


« Soit tous les hommes ont les mêmes droits, soit aucun n’en a » déclarait Condorcet. Si les enjeux sont essentiels, ce sont des enjeux communs (du pavillon témoin d’une résidence de banlieue aux camps de réfugiés de Gaza ; des quartiers richissimes et surprotégés de Rio jusqu’aux Townships du Cap ; du 18ème jusqu’au 21ème siècle). - L’Histoire : il y a une mutation des personnages à la fin de la pièce. Ils deviennent les protagonistes du dernier repas de Condorcet avant son arrestation. Cette volonté de sortir du cadre tend à apporter une valeur transcendantale à la localité de la pièce, mais aussi à dépasser la forme réaliste du drame sociétal. Au-delà de ce que l’anachronisme ouvre comme perspectives jouissives de jeu et d’écriture, il permet de créer un décalage avec la situation en cours, et la mise en résonnance d’enjeux a priori médiocres, que motivent parfois les relations familiales, avec des enjeux historiques de conscience politique et d’éthique personnels dont la figure de Condorcet est la parfaite incarnation. Au delà de l’aspect théorique et un peu austère qui vient d’être évoqué Des territoires est avant tout conçu comme une farce tragique. La place de l’humour est essentielle, dans la mesure où le recours à l’absurde est un procédé inhérent à ma démarche d’écriture. Les situations les plus banales poussées à leur paroxysme permettent que le déploiement de cette langue a priori réaliste (mais qui n’en demeure pas moins formellement très construite), offre aux acteurs la possibilité de rester au plus près d’eux, tout en développant petit à petit vis-à-vis des figures qu’ils incarnent une exubérance monstrueuse. Cette mécanique est entrecoupée de monologues au travers desquels on accède à une intimité spécifique à chacun des personnages qui tend à ce qu’aucun d’entre eux ne puisse l’emporter sur l’autre.

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