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Crave

+ d'infos sur le texte de Sarah Kane
mise en scène Sophie Lagier

: Pour approcher l’oeuvre

" Sarah Kane recherche l'impératif humain"
Edward Bond



Ecrite en 1998, Manque est la quatrième pièce de Sarah Kane. L'avant-dernière.


Elle marque un tournant dans son écriture.
Formellement, Sarah Kane sort ici des codes habituels du théâtre (personnages, lieux, histoire avec début, milieu, fin…), et met à mal les voies classiques de la représentation.


En un lieu et un temps indéfinis, quatre personnes, deux hommes et deux femmes, désignés uniquement par des lettres : A, B, C et M.
Quatre voix qui se répondent, qui résonnent, qui livrent une parole brute saisie en discontinu. Quatre êtres qui disent le désir, la perte, la difficulté d'être.
Qui disent la mort.


La première violence de la découverte (sa première pièce fit scandale en 1995), l'effet de mode, sont maintenant passés. La simplification de confondre la vie (et le suicide) de Sarah Kane, avec son œuvre, également.
On peut commencer à voir Sarah Kane autrement - et c'est là ce qui m'intéresse - en sortant ses pièces du simple registre de la provocation, ou du désespoir.
Et y voir une écriture radicale, exigeante, poétique, pour dire notre monde.
Une vraie langue, urgente, et résolument contemporaine.
Qui cherche, qui avance.
Qui bouleverse les codes. Et les âmes.


Claude Régy: « Sarah Kane nous parle depuis un lieu inconnu. C'est ce qui éclaire sa parole. Une interzone. »


C'est ce lieu inconnu, aussi bien dans la forme que dans le fond, qui m'attire dans Manque. Et qui me semble être dans la continuité de ce que je cherche, de ce que j'essaie d'expérimenter. Cette interzone que le plateau peut rendre sensible, peut faire résonner.


Manque parle de la perte. Perte de soi, de l'identité, du sens.
Il y a un effondrement des frontières, des limites jusqu'auxquelles l'homme peut se risquer. On est sur les seuils, avec la difficulté à gérer l'équilibre entre le conscient apprivoisé et l'inconscient sauvage dans un seul corps humain.
Les quatre "personnages" sont à nu. Leur chair est à vif, sans protection.
Ils livrent leurs espoirs, leurs amours, leurs impuissances, leurs blessures.
Sans pudeur, sans "sous-texte", sans honte. Sans socialement correct.
Ils disent. Implacablement. Transgressent tous les interdits.
Et sont en vie. Cruellement, mais follement en vie.


Amour, mort, enfance, folie.
Où se situe la déchirure entre la réalité et l'imaginaire?
Où commence le monde?
Quoi être face à l'autre?


Avec Manque, Sarah Kane questionne la langue. La dépouille, la fragmente, la morcelle. Bouscule et réinvente la grammaire. Il y a une économie de langage, une condensation. L'écriture est dense, ciselée, incisive, scandée. Rythmique, musicale. Et c'est ce qui fait du sens, de façon nouvelle, non conventionnelle.


Ma formation musicale m'aide à appréhender le texte comme une partition, à en voir les mouvements, les tempos différents. J'y entends du staccato, de l'accelerando, du crescendo et du decrescendo..., des accords et des désaccords, des harmonies et des dis-harmonies, comme dans une composition musicale moderne.


C'est une traduction bien sur, qui cherche à rendre au mieux la version originale anglaise. C'est la première fois que je travaille sur un texte non écrit en français. Cela ajoute un questionnement supplémentaire. Comment être au plus proche de l'œuvre? Sans maîtriser la langue anglaise, je regarde tout de même de près le texte original. J'ai le sentiment que l'on perd peut-être parfois une chose brute, concise, amenée par l'anglais. Je garderai peut-être certaines répliques en anglais, compréhensibles par tout le monde.


"Je n'ai pas la musique, Seigneur,
j'aimerais tellement avoir la musique mais tout ce que j'ai c'est les mots"
Sarah Kane

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