Suite à l’inspiration de Pietro Pizzuti, Transquinquennal a commencé à travailler avec Eugène Savitzkaya. C’était en 1993 dans le cadre du Marathon européen de la Création théâtrale, organisé par la défunte asbl Temporalia. Eugène Savitzkaya était le second choix du collectif mais la rencontre eut lieu. Transquinquennal a proposé à Eugène Savitzkaya, qui devait là écrire l’une de ses premières pièces, de se donner des libertés plutôt que des contraintes en essayant de coller à un certain schéma. Il y eu en 1994 : La femme et l’Autiste, en 1997 : Aux prises avec la vie courante, en 2000 : Est . En 2007 : Convives. Une parole qui se répand, qui évolue suivant la réponse, la réplique de l’un à l’autre, des trois locuteurs, qui ne poursuivent pas une conversation entreprise auparavant, on doute qu’ils se connaissent, ils ne laissent rien filtrer de leur vie, on ne les considère pas comme des personnages, non, ils poursuivent une rencontre … La répartition du texte suit trois sensibilités : nature, société, condition humaine. Convives célèbre la jubilation d’être avec les gens et d’échanger des réflexions.

Et avant de rencontrer Eugène Savitzkaya et après l’avoir rencontré, le collectif Transquinquennal se pose toujours les mêmes questions : qu’est-ce que la représentation ? Qu’est-ce que la fiction ? Faut-il une histoire ? L’intérêt n’est bien sûr pas de résoudre ces questions mais d’explorer les libertés qu’elles offrent.

A qui appartient le droit de penser aujourd’hui ? le nom du projet est basé sur une conversation où on refait le monde. Le premier sens du mot convive est personnes invitées à prendre part à un repas. Etymologiquement, c’est aussi vivre avec, mais la pensée ne pose-t-elle pas cette question de comment vivre ensemble ?

Si on lit attentivement les textes d’Eugène Savitzkaya depuis Exquise Louise, ils sortent de la sphère privée, ils ouvrent plus grand les bras. Dans Convives, il prend, avec son style, une position plus politique.

Le projet Convives s’est bâti au fil de moments agréables passés avec Eugène Savitzkaya, en mangeant, en buvant, en discutant de beaucoup de choses. Dans cette excitation collective est née l’idée du projet : qu’est-ce la pensée ? A qui appartient le droit de penser aujourd’hui ? Partageons ce moment, partageons ces nourritures…soyons des convives pour des nourritures pas forcément terrestres. Soulignons le plaisir de la discussion, de l’échange de propos, ayons une pensée qui n’ait pas la prétention de résoudre les choses, l’efficacité n’est pas notre but. Vivons un moment de liberté s’opposant à l’ultralibéralisme de la pensée. Nous sommes pas utiles, pas plus Eugène Savitzkaya que Transquinquennal, notre disparition ne porterait pas à conséquence. Mais pourquoi être dans l’utilitarisme continuel ?

Transquinquennal ne pratique pas le théâtre de texte mais travaille sur le texte, un des véhicules de la pensée. La pensée peut être drôle, vivante. Pendant l’antiquité grecque, la manière, dont étaient écrits les textes, avait son importance. Donc la pensée peut passer par la poésie et là cela rencontre le questionnement d’auteur d’Eugène Savitzkaya.

La pensée est faite pour que l’autre l’écoute, si on aime avoir raison , le groupe le permet. Penser tout seul ne sert à rien , donc penser qu’on a raison ne sert à rien. Les trois locuteurs pourraient défendre l’inverse. Philosopher n’est-ce pas explorer la pensée dans toutes les directions ? Les effets du politiquement correct sont qu’il y a de nombreuses de choses qu’il n’est pas de bon ton de parler, de dire …Comment la pensée est-elle instrumentalisée par certains ? dans Convives, les locuteurs se permettent d’explorer les champs de la pensée, ainsi on peut presque dire qu’une chose et son contraire sont dites … et la pensée se construit petit à petit en groupe au fil du dialogue. Avant de se faire, les choses doivent se rêver puis se verbaliser.