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Accueil de « Casimir et Caroline »

: Le Projet : tenter une adaptation radicale

« Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. »
Guy Debord, La Société du Spectacle, 1969


TRANSPOSER L’ACTION DANS LE CONTEXTE ACTUEL


Horváth propose un théâtre aux scènes brèves et incisives, à la fois populaire et intime, triste et comique. Lorsqu’on le relit aujourd’hui, on est frappé par la vivacité des personnages et la similitude des situations sociales dépeintes avec celles de notre époque, préoccupée par la récession économique et vidée de tout enthousiasme idéologique.


Depuis 2009, le texte relève du domaine public. C’est l’occasion de le revisiter, d’en interroger les résonnances actuelles, de chercher les ajustements avec la langue populaire contemporaine mais surtout d’adapter ces situations à notre « société du spectacle » d’après la crise financière.


Nous avons cherché à alléger ce texte de son aspect désuet, marqué par les années 30, la langue populaire allemande étant susceptible d’induire une lecture faussement folklorique. Les situations inventées par l’auteur sont radicales et intransigeantes, il s’agit de les libérer de leur costumes historiques afin qu’elles nous traversent de toute leur intensité. Les personnages s’affrontent de manière impitoyable, se manipulent et s’entredéchirent pour garantir leur survie sociale.


ENTRE DÉSIR ET ASCENSION SOCIALE : L’HISTOIRE D’UN ARRACHEMENT


Les conséquences du libéralisme économique sur les liens amoureux et les projets de vie ne sont aujourd’hui plus à démontrer. Alors à quoi rêvent les jeunes filles (et les jeunes gens) aujourd’hui et comment parviennent-ils à organiser leurs liens ? Qui a le plus à offrir ? Qu’est-ce qui est le plus attractif : le romantisme amoureux, la sécurité matérielle ou l’illusion d’une célébrité éphémère ?


Dans une société caractérisée par l’absence d’utopie, la place est vacante où vont fleurir les illusions : celles de la fête foraine comme celles des jeux amoureux. Les personnages de Casimir et de Caroline s’organisent en classes sociales, mais aussi en couples. Pas question ici d’idylle, du confort d’un bonheur privé : l’union est un attelage stratégique, pour conquérir ou confirmer une position sociale. Les couples réussissent lorsque l’alliance leur garantit des entrées et des appuis complémentaires.


Parmi les interrogations qui tissent la pièce, deux questions émergent : que suis-je prêt à sacrifier afin de m’élever ? Et à qui serai-je redevable de ma réussite sociale ? Les personnages mettent leur intégrité physique, leurs liens affectifs, leur sentiment d’appartenance et surtout leur liberté en jeu. Mais il s’agit aussi d’intégrité morale et de valeurs humaines : dans un monde où tout se monnaie, s’exhibe et s’échange, les sentiments sont un capital comme un autre et font l’objet d’une gestion marchande.


Les personnages de Casimir et de Caroline sont nos contemporains, leur existence sociale dépend de leur visibilité. La société du spectacle et le thème du regard sont donc nos lignes directrices : je me repais du spectacle de l’autre, mon semblable, mais qui, offert aux regards est rendu objet public : visible. C’est le spectateur que l’on invite à participer au grand jeu, celui qui tente sa chance dans la machine-spectacle, l’attraction, le tirage au sort… Le quidam qui, magnifié par l’attention collective, va sortir du lot et enfin exister.


LA FÊTE, PLATE-FORME DU DEVENIR SOCIAL


Dans le texte d’Horváth, la fête foraine est support de l’action et contrepoint de l’histoire. Si aujourd’hui, les attractions ont changé, les effets catalyseurs de la fête restent les mêmes, comme les aspirations qu’elle réveille. La fête reste un espace de rassemblement et de transgression, qui convoque tous les milieux sociaux autour des plaisirs et de la distraction, autour des jeux de la séduction et de la compétition sexuelle. Un lieu qui brasse de l’argent et du rêve, qui permet d’oublier son quotidien, de conquérir, de consommer et de « délirer ». Nuit Blanche ou Fête de la Musique ? Discothèque, casino, bar à karaoké ? Le rêve aujourd’hui n’est plus de conquérir la lune ou un continent lointain, mais d’entrer dans l’écran, dans le cadre de l’image, dans le cercle fermé du carré VIP…


Nous voilà donc au plus près du projet d’Horváth, qui égrène son texte de références musicales très diverses, puisées dans un répertoire allant du karaoké à l’aria lyrique.


Nous chercherons à éviter l’écueil du folklore comme celui de la tragédie, à intégrer les éléments de la fête et la présence du public et à instaurer une proximité entre la fiction et les spectateurs. Nous chercherons une forme populaire qui n’hésite pas à user des subterfuges du « spectacle », pour venir s’ancrer dans la vérité implacable du théâtre.

Leyla-Claire Rabih

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