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Caligula

+ d'infos sur le texte de Albert Camus
mise en scène Bruno Dairou

: Note d'intention

Par Bruno Dairou

Difficile de s'attaquer au Caligula d'Albert Camus sans une certaine angoisse ; il y a certes le souvenir toujours prégnant de Gérard Philipe à la création du rôle mais on peut toujours espérer immodestement que d'autres choses sont à trouver 50 ans après la première de la pièce.


Non, les interrogations viennent plutôt de la richesse même du texte. Il faut garder la beauté de la langue de Camus, le lyrisme presque romantique du personnage-titre, la drôlerie de la pièce mais sans jamais dévier d'un objectif : Caligula nécessite de prendre parti. Le premier travail avec les acteurs, en dehors du plus scrupuleux respect du verbe camusien, c'est donc d'abord celui de la théâtralité même du texte qui porte au plus haut les interrogations de tout être humain : l'amour de certains personnages envers l'Empereur, la haine qu'il suscite nécessairement, la peur de la mort, omniprésente, l'indispensable révolte pour que tout cela ne vire pas à l'absurde.


Alors commencent à se dessiner les grandes lignes de la mise en scène : les personnages doivent s'animer devant les spectateurs, ne jamais quitter la scène et le plus possible se trouver dans la salle. Le public est partie prenante du drame en train de se jouer. Des tambours rythment la progression dramatique au sens strict du mot ; ils sont utilisés par quatre acteurs qui ne les quittent que lorsqu'ils participent à l'intrigue sur scène. Ils sont le symbole de ce peuple réduit à l'obéissance servile par l'Empereur. Ils en sont réduits à mettre en place les instruments même de leur persécution : le proscenium où Caligula se pavane, le repas qui condamne un des leurs, la scène où Cæsonia n'échappe pas à la logique implacable de son amant.


Pour cerner ce qui rend Caligula insupportable à son entourage et faire réfléchir les spectateurs sur le complot contre lui, il faut des costumes d'acteurs taillés dans notre quotidien, très contemporains, témoignant plus facilement des indispensables révoltes face aux dictatures. Les lumières viennent souligner ces ombres portées : elles délimitent l'espace central, accentuent la froideur du tyran et accompagnent les adresses au public lorsqu'il est impliqué.


Et c'est à la toute dernière phrase que stoppent musiques, lumières, sons, cris, propos, pour que, après s'être dépouillés de leurs costumes de scènes, dans la vérité de l'être humain en révolte, les protagonistes du meurtre de l'Empereur semblent libérer le monde d'un fardeau avec la bénédiction des spectateurs.


Mais, c'est dans ce même noir absolu que retentit le « je suis toujours vivant » du monstre qui doit, par sa force, souligner la si poignante phrase de Brecht : « et le ventre est encore fécond d'où a jailli la bête immonde. »


Mais, la conclusion de cette note d'intention porte naturellement sur le sort que la mise en scène réserve au personnage-titre : comment ne pas s'attacher au personnage de l'Empereur ? Intelligent, fantasque, drôle, cruel mais capable de tendresse, acteur de sa propre vie, il envahit l'espace scénique comme il envahit le quotidien de son peuple. Il suit une logique de la liberté, cruelle mais, pour lui, voie de libération des hommes.


Dès lors, le chemin à suivre commence à se tracer : il faut le plus possible faire réagir le spectateur pour qu'il ne soit pas que le témoin passif ou attendri de la cruauté au pouvoir ; pour le dire autrement, il faut qu'il sorte un peu inquiet de ce que la beauté de la langue de Camus, le lyrisme presque romantique de Caligula, la drôlerie de la pièce et le chemin complexe choisi par l'Empereur pour atteindre à sa manière une liberté finale, lui a fait emprunter des chemins que la mise en scène doit interroger. Et, au final, laisser le spectateur arbitrer.

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