theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Andorra »

Andorra

+ d'infos sur le texte de Max Frisch traduit par Armand Jacob
mise en scène Christophe Rouxel

: Dramaturgie

« Et si l’Allemagne nazie avait envahi la Suisse ? Une question intéressante mais provinciale » dira Dürrenmatt à son ami Max Frisch.


Andorra dépose la question au centre d’un dispositif qui la piétine avec allégresse pour révéler la véritable interrogation, qui, elle, nous touche toujours de près : qu’est-ce que l’identité ? D’un homme, d’une femme, d’un enfant ?
Et au-delà, qu’est-ce que l’identité nationale ?


De quels strates culturelles, de quelle légende personnelle se nourrit Andri, le jeune homme prétendument juif recueilli enfant dans un village, pays qui restructure et révise, lui, son identité nationale, sous la menace d’un envahisseur hypothétique, qui revoit à la baisse ses prétentions humanitaires, qui construit de toutes pièces des justifications à sa peur ?


Max Frisch nourrit et rafraîchit (réactualise) l’interrogation majeure de notre siècle. A quelle sauce extrémiste et partisane veut-on dévorer l’individu de ce siècle naissant où se déchaînent les affirmations identitaires ? Dans quels glissements dangereux la séduction globalisante entraîne-t-elle nos états ?


A Andorra, le monde est encore rond, un monde bonhomme, mais il va falloir le conformer par touches successives à ce qu’on attend de lui, à ce qu’attendent de lui les autres, et pour commencer, qu’il se charge de « son » étranger. Le juif. L’éternel bouc émissaire.
Comment chasse-t-on celui autour duquel s’ordonnaient et s’affichaient les valeurs d’accueil, de tolérance, d’humanité et donc les règles et lois qui en découlaient, celui qui était au coeur de la superstructure, sans anéantir celle-ci ?


Par petites touches successives, une égratignure philosophique ici, une entorse légale là, une louche de mauvaise foi morale, une légère relecture religieuse, il suffit de peu, de rien, pour la réordonner, la superstructure et d’en évacuer, comme un pépin malvenu, le gêneur, celui qui en fut rappelons-le la pierre angulaire.


C’est à ce jeu cruel et ironique que Max Frisch excelle.


La parole de ses villageois, benoîte de bon sens, crisse peu à peu sous la dent. L’assentiment général à un mensonge en fait une vérité nouvelle. Ce qui tout à l’heure paraissait grotesque devient digne d’intérêt. Pour les uns, on s’éveille à une conscience nouvelle à Andorra, pour d’autres l’on s’anesthésie avant l’opération finale.


C’est ce monde rond qui s’équarrit dans les deux sens du mot, comme sous l’effet de la hache du destin que Christophe Rouxel veut mettre en scène. Un monde, qui, en cherchant des angles, s’éventre.

Luigi De Angelis

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.