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Adishatz Adieu

Jonathan Capdevielle ( Conception )


: Note d'intention

Adolescent, outre mes exercices d’imitateur, j’apprenais et chantais fréquemment des «tubes» et principalement ceux de Madonna. En 2007, sur invitation du festival Tanz im August à Berlin, j’ai constitué un répertoire «Madonnesque» associé à d’autres hits de discothèque mais aussi à des chants traditionnels pyrénéens. Ce tour de chant a été chanté a capella à Berlin puis dans différents lieux, de manière spontanée, rendant ainsi l’objet très intuitif. À partir de ce point de départ, j’ai souhaité travailler sur l’écriture d’une pièce, dans laquelle le matériau chanté et l’imitation sont intégrés et articulés sous forme d’autoportrait. Convoquant le registre de l’autofiction, sorte de documentaire sous forme de confession qui met en évidence l’itinéraire d’un personnage entre vie réelle et vie fantasmée ou rêvée, cette pièce est écrite à partir de chansons, de conversations, qui évoquent comme des carnets intimes, les racines ou la famille.


Les chansons comme fil conducteur


Comment des chansons probablement superficielles et des plus communes peuvent exprimer des questionnements beaucoup plus profonds et très personnels ? Les chansons sont le fil conducteur de la pièce : elles sont un des modes d’expression de ce garçon, elles interviennent d’abord comme une structure musicale et rythmique puis au fil du temps révèlent ses obsessions, ses émotions et une certaine nostalgie. Chantées a capella, elles font naître d’emblée une certaine vulnérabilité du personnage, son authenticité. L’absence de musique fait entendre plus clairement les paroles, qui résonnent comme un langage à part entière. Certaines chansons sont traduites de l’anglais au français et font l’objet de traitements divers : détournements, répétitions ou décalages, accompagnement musical chanté ou registres qui s’entremêlent (de Madonna à Cabrel). J’aime l’idée que l’on sente le recours au bricolage dans la partition des tubes (copié-collé d’extraits de chansons).


L’imitation comme moteur


Adishatz est construit à partir de la technique de l’imitation souvent utilisée pour divertir. Je la détourne avec une force autrement plus trouble. Comme une cassette vierge sur laquelle j’enregistrerais le monde qui m’entoure et me constitue. Il m’importe de multiplier les contrastes, de composer avec différents modes d’expression pour signifier des identités diverses, brouiller les pistes, en jouant avec l’humour et la gravité, entre autres, comme force de distanciation. L’imitation est un des moteurs essentiels dans mon travail d’acteur dans cette quête de ressembler à... d’y croire et d’être finalement. Il est intéressant de rendre visible le chemin parcouru dans cette tentative de s’approprier les faits et gestes d’un autre ainsi que les outils mis en œuvre pour atteindre une certaine justesse ou même échouer. Et cela vaut aussi bien pour les personnes « connues » que pour celles de mon entourage proche, famille et amis. Il s’agit aussi d’emprunter les postures des clips vidéo et de s’approprier les codes de la pop tout cela dans un souci de véracité.


Un personnage ambivalent


À un moment donné un chœur d’hommes est présent. En choisissant d’interpréter avec eux des chants traditionnels, je mets l’accent sur des stéréotypes populaires du sud-ouest, tout en évoquant mes racines et la tradition. La culture pop, tarbaise (de Tarbes), ainsi que celle de la boîte de nuit font parties de mes obsessions, de mon histoire aussi. C’est ce curieux mélange, entre culture locale et culture internationale qui me paraît troublant à explorer. Le personnage est traversé tout au long de la pièce par de multiples attitudes, qui évoquent notamment la fragilité, l’adolescence ou la virilité. Ce personnage ambivalent que j’interprète vacille entre grâce et grossièreté. Le recours au travestissement permet d’accentuer l’idée d’une certaine solitude, tout en évoquant quelque chose de délicat et sensible. Le travestissement est commun à l’homme et la femme et peut-être utilisé pour les deux sexes. Une étrangeté, un trouble qui permettent tous les retournements ou détournements. La solitude est perceptible : elle est triste et mélancolique mais jamais tragique. Je souhaite travailler sur la nostalgie des choses, pour convoquer cette mémoire fondatrice de l’identité : l’enfance ou l’adolescence, nostalgie de ces tubes d’hier qui ont marqué mon vécu et qui résonnent encore aujourd’hui... Je désire réactiver les souvenirs, stimuler la mémoire du public. La pièce prend ici une dimension cathartique où l’identité du personnage se révèle au fur et à mesure mais ne sera probablement jamais claire : ambivalente, complexe, drôle ou triste, homme ou femme, puissante ou fragile, entre vie réelle et vie fantasmée.


Jonathan Capdevielle

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