theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « À la saison des abricots »

À la saison des abricots

Carol Sansour ( Texte )


: Entretien avec Carol Sansour et Henri Jules Julien

Propos recueillis par Marc Blanchet, traduits de l’anglais par Henri jules Julien

Vous considérez-vous comme la poétesse d’un chaos qui a besoin de s’exprimer face aux lâchetés étatiques, idéologiques et religieuses ?


Carol Sansour : Je sens que le chaos est autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de moi et j’écris sur l’enfance, un lieu d’innocence et d’émerveillement, mais aussi un lieu beaucoup plus proche de la nature, de ma mère et de la terre qui contient toutes les graines de ce chaos. C’est pourquoi mon travail semble combiner des registres narratifs et polémiques avec des registres lyriques. Je ne cherche pas toujours à imposer un ordre ou un sens au chaos, mais je sens la nécessité entière de l’exprimer. Il y a aussi une tentative constante de se reconnecter avec des choses ou des personnes, comme ma grand-mère Jamila, par exemple, qui était un personnage fascinant. Sans prendre part consciemment à une quelconque lutte, elle incarne complètement ce que veut dire pour moi être une femme de cette partie du monde, ou ce que cela signifie dans le quotidien – pour des gens comme Jamila ou des endroits comme ma ville natale de Beit Jala – de transcender le chaos. J’ai le sentiment que le chaos fait partie de l’expérience de la femme arabe et de la cause palestinienne, qui sont en quelque sorte mes sujets de prédilection. Je ne m’intéresse pas à une patrie idéalisée qui est perpétuellement absente. Je ne m’intéresse pas non plus aux héros qui, pour exister, doivent être un mensonge. Je m’intéresse à ce que j’ai vu et ressenti, à ce que j’ai pensé de telle ou telle chose. C’est pourquoi une phrase de mon livre, qui a été mal comprise, est très importante : « La Palestine n’est pas une cause. » Elle n’est pas une cause, non pas parce qu’il n’y a pas de cause. Ce n’est pas une cause parce que c’est ma vie. C’est moi.


Henri jules Julien, vous êtes le concepteur du projet Shaeirat qui nous permet de découvrir quatre poétesses arabes.


Henri jules Julien : J’aimerais commencer par dire : « quelque idée que puisse avoir un spectateur occidental, français plus encore, de la poésie arabe contemporaine écrite par des femmes, ses préjugés vont être déçus. » Toutefois, il faut préciser à l’envers de cette remarque que le projet de ces poétesses, lui, n’est pas de nous décevoir ! Leur appartiennent d’abord le désir et le talent, d’écrire et de performer, pour le partage d’une poésie émouvante, d’une grande verticalité. Aussi faut-il s’efforcer d’éloigner tout constat de généralité culturaliste, et juste d’inviter le public à les découvrir. J’ai conçu ce projet en traduisant nombre de leurs poèmes. Ce travail de traduction m’a progressivement hanté, obsédé, avec le désir d’œuvrer pour quelque chose de plus vaste. Par ailleurs, je milite et me bagarre pour ne pas parler comme Français et/ou Occidental à la place des autres. Pas question de promettre de faire entendre sa voix à une artiste arabe pour ensuite l’instrumentaliser ! L’ensemble de ces écueils ont accompagné le projet Shaeirat, de la traduction au partage de performances. Le projet permet d’entrer dans la liberté d’écriture de quatre poétesses, de les voir partager leurs écrits, au plus proche de leur personnalité, de leur puissance de création.


  • Propos recueillis par Marc Blanchet, traduits de l’anglais par Henri jules Julien
imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.