Il fait beau, les oiseaux chantent, le gâteau dégouline mais le Thermos roule sur l’herbe. Il faut se méfier de l’eau qui dort… et d’Ambra Senatore. Lorsque le rideau tombe sur le pique-nique féminin de A posto, comment faire la part de l’ombre et celle de la lumière, de la peinture de genre et du polar, du burlesque et de l’effroi ? Car rien n’est « en place » dans ce spectacle de danse-théâtre au titre en forme de leurre. La chorégraphe italienne se rêvait actrice de cinéma avant de succomber à sa passion pour la danse. Entre la théorie (elle a enseigné l’histoire de la danse à l’université de Milan) et la pratique, elle a choisi. Invitée du Collectif artistique cette saison avec trois spectacles, Ambra Senatore possède un art très personnel et très subtil du paradoxe.

Sur le plateau vide, chaque apparition des trois amies surgit comme autant de sautes d’humeur. Les flashes entrecoupés de passages au noir tiennent le spectateur en haleine. Doucement, sans que l’on sache pourquoi, la partie de campagne tourne au jeu de massacre. Et si cela nous touche et nous dérange dans un même mouvement, c’est peut-être qu’avec son art consommé de l’ellipse, Ambra Senatore inscrit dans nos mémoires des images, des corps et des récits destinés à y cheminer pour longtemps.