: Mise en scène et mise en jeu
La mise en scène cherchera à mettre en valeur les contrastes et la diversité des univers présents dans la pièce : monde réel (ou physique) et rêve, espace objectif et subjectif, lieu de l'intime et extériorité.
Le principe opératoire du montage cinématographique sera utilisé, tout en conservant l’unité d’une respiration théâtrale. La mise en scène tentera ainsi de passer de l’éloignement d’un univers imagé, à un rapport plus direct au monde, d'une vague tromperie hallucinatoire à l’irruption du réel, en aboutissant à une situation à la limite du théâtral, où se trouve questionné le statut de comédien et de la scène.
L'architecture du lieu de spectacle en confrontation avec l'univers de la pièce sera le point de départ de l'installation. Consciente de la nécessité d'une énergie, d'une force, Urszula Mikos aime investir l'espace, le modifier, l'habiter... Une installation sonore et plastique permettra de rendre palpable cet espace vivant qui se dissout et s'embourbe peu à peu. L'espace du théâtre sera comme imprégné par une atmosphère moite et troublante. En entrant, le spectateur aura la sensation d'entrer dans un endroit qui l'abstrait de la vie, une sorte de lieu suspendu hors du temps et impossible à identifier. Des objets « ready made », formes provisoires, abandonnés, retirés de leur contexte, des objets non identifiés, échos d’eux-même, meubleront la scène. Les murs du théâtre seront abîmés, peut-être par l'humidité suintant des fissures qui permettent à l'eau de pénétrer à l’intérieur, soulignant l'imminence d'une catastrophe.
Il apparaît indispensable de rendre concret l’univers des personnages, qui contraste avec un espace extérieur rythmé par une présence régulière, obsédante, mécanique, une sorte d’image miniaturisée du moloch urbain.
La parole théâtrale se construit d'abord dans un rapport très simple, brut, direct avec le spectateur. Puis, au fil de la pièce, le langage devient hypnotisant. Il se ritualise. Le débordement d'énergie n'est pas loin et il semble alors que tout peut arriver. En quittant la théâtralisation mécanique, on tombe, désarmé, dans l'énergie pure. Le danger d'une dislocation est imminent...
Pour donner au spectateur l’impression que les comédiens s’inventent dans l'instant
en fonction d'énergies internes à cette oeuvre, le déroulement du spectacle se
construira en suivant des changements de directions surprenants et en permettant le
voisinage d’états extrêmes. Le jeu sur le concret, tout en intégrant du musical et de
l'étrangeté, provoquera une qualité d’écoute et de perception où le corps du comédien apparaît comme un instrument acoustique et plastique, tout en gardant la
complexité de sa vie charnelle et mentale.
Se créera alors une réalité scénique sans fil dramaturgique préconçu, basée sur une
recherche enracinée dans la personnalité des comédiens, qui accepteront de se faire
violence, de se désarmer, de jouer avec autodérision, de « cabotiner » sans se prendre
au sérieux, en refusant toute tricherie et en mettant en abîme leur propre habilité
théâtrale.
Accepter de ne pas savoir comment représenter et en même temps jouer avec paroxysme, lier intuition et expérience, et toujours rester au plus près de ce qui fait la condition de comédien, voilà ce qui permettra au spectacle de confronter beauté et laideur, magnificence et ridicule - entre mémoire et amnésie. Rester dans la quête du sens à partir du non-sens permettra de saisir des moments où la vérité et la théâtralité surgissent en un seul temps et où l’instant rejoint l’éternité.
Urszula Mikos
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