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Photo de Henrik Ibsen

Henrik Ibsen

Norvège – 1828 - 1906

Henrick Ibsen

Skien 1828 - Christiania (aujourd'hui Oslo), 1906

Auteur dramatique et poète lyrique norvégien.
Henrik Ibsen est le fondateur du théâtre norvégien. Dans ce pays où la pratique du théâtre professionnel était en fait exclue depuis des siècles, il sent naître en lui la vocation d'auteur dramatique. Il la suit si bien que son théâtre s'impose en Norvège et bientôt dans toute l'Europe ; il sera l'auteur le plus souvent joué dans le monde occidental au XIXe siècle et au début du siècle suivant.

Ibsen connaît des débuts difficiles. Il est né dans un milieu bourgeois, mais son père se ruine, le foyer se disloque. Nul ne peut lui assurer une éducation normale pour son milieu d'origine, il est mis en apprentissage et devient préparateur en pharmacie. C'est un jeune homme aux reparties amusantes mais ses camarades le considèrent comme un révolté. Les événements de 1848 en France font en effet de lui un révolutionnaire. Sa vocation d'auteur dramatique lui inspire alors sa tragédie Catilina (1848), qu'il fait éditer à compte d'auteur. En 1850, un de ses premiers textes, les Combattants de Helgeland (Hermaendene paa Helgeland), est joué au théâtre de Christiania. L'attention est attirée sur Ibsen.
En ce temps, le romantisme national domine la littérature et les arts. Le théâtre doit, lui aussi, servir à exalter le sens patriotique des Norvégiens. A l'instigation du poète Ole Bull, un théâtre norvégien va s'ouvrir à Bergen. Il fait tout naturellement appel à Ibsen qui deviendra directeur artistique et poète attitré de la nouvelle salle. Il devra produire, à intervalles réguliers, des pièces d'inspiration nationale (passé de la Norvège, folklore). Il reçoit une formation artistique (stages à Copenhague, Dresde), dirige les acteurs et surveille les répétitions. Il songe aussi à distraire les spectateurs. Le vaudeville est alors à la mode (vaudeville danois et surtout français). Les archives du théâtre nous prouvent qu'il a dû lire de très près en particulier le théâtre de Scribe.

Le culte de l'individu

Même quand il compose des textes inspirés par des motifs historiques ou folkloriques, Ibsen manifeste qu'il ne cesse d'observer en même temps la société de son époque et il prend position sur les problèmes qui l'agitent. Il campe des personnages soucieux de faire évoluer les hommes qui les entourent et il les voit dès cette époque se heurter à la résistance des notables. Les obstacles sur quoi achoppent les novateurs sont évoqués surtout dans le Festin de Solhoug (Gildet paa Solhaug, 1856).
Les héros qui retiennent l'attention d'Ibsen sont d'abord ces grandes individualités qu'il ne se cache pas d'admirer. Mais déjà, par prédilection, il se penche sur le sort des femmes. Les unes, en cas de danger, sont prêtes à se saisir des armes et à pratiquer les vertus « masculines ». Les autres restent douloureusement (ou spontanément) soumises à leur situation subordonnée : voir le contraste entre Dagny et Hjoerdis dans les Combattants de Helgeland. Au cours de cette période, Ibsen n'obtient jamais de triomphe (à l’exception des Combattants de Helgeland). C'est tantôt le demi-succès, tantôt l'échec de justesse évité. Il tentera sa chance à Christiania : il y présente les Prétendants à la couronne (Kongs-Emnerne, 1859), pièce où se déploie déjà magnifiquement le thème de la vocation.
A cette époque cependant, il se laisse un moment envahir par le doute et se laisse attirer par un groupe fluctuant, celui de la bohème. Mais une femme se rapproche de lui et lui rend la confiance en lui-même, c'est Suzanne Thoresen, qu'il épousera. Féministe passionnée, elle exercera sur lui une durable influence. D'ailleurs pour lui l'heure du premier succès vraiment payant va sonner. Il participe à l'émotion qui s'empare de tous les Scandinaves en 1864 quand ils apprennent que la Prusse vient de bousculer brutalement le Danemark sans que les autres royaumes scandinaves fassent le moindre effort pour lui venir en aide.
Cette situation dicte à Ibsen son pamphlet dramatique Brand (1865), ouvrage qui n'était à l'origine nullement destiné à la scène. En parfait contraste avec Brand, le patriote volontaire, se dresse Peer Gynt (1867), esthète qui joue avec la vie et ne trouve jamais le véritable noyau de sa conscience. Le succès en librairie est si vif que Brand fait d'Ibsen un homme riche et sûr de lui. Il modifie sa silhouette, son mode de vie et même son écriture. Il obtient une bourse d'écrivain et quitte la Norvège.

Un théâtre social

Ici s'ouvre une longue période d'exil (Italie, Allemagne, Autriche). Il ne viendra s'installer de nouveau définitivement à Christiania qu'en 1891 afin d'assurer la carrière de son fils. Il vit donc loin de la Norvège mais il pense constamment à ses compatriotes et c'est pour eux qu'il écrit. Il se lance d'abord dans la comédie satirique, l'Union des jeunes (De unges forbund, 1873). Il reste encore tout proche de la réalité norvégienne — et du schéma scribien — avec les Soutiens de la société (Samfundets stoetter, 1875).
Mais avec Maison de poupée (Et dukkehjem, 1879), son théâtre social s'ouvre largement sur la société européenne du temps et connaîtra finalement un extraordinaire succès un peu partout dans le monde. Les Revenants (Gengangere, 1881) contiennent encore quelques scènes idéologiques et polémiques. La pièce fait scandale, elle effraie les pudibonds du temps mais, malgré tout, critique et public finissent par admettre qu'il s'agit là d'une véritable tragédie moderne. Un ennemi du peuple (En folkefiende, 1883), extraordinaire scherzo dramatique, satire de la toute petite ville et des tout petits bourgeois, nous ramène dans le cycle des pièces sociales.
La tranche suivante, le Canard sauvage (Vildanden, 1884), Rosmersholm (1886), Hedda Gabler (1890) nous mettent en contact avec un Ibsen moins soucieux d'édifier et de convaincre, moins manichéen, visant à développer la pure analyse psychologique et soulignant l'aspect symbolique de son œuvre. Après son retour au pays natal, fêté par ses compatriotes, Ibsen se sent, malgré tout, bien isolé. C'est sans doute lui-même qu'on est en droit de rechercher derrière le Constructeur Solness (Bygmester Solness, 1892), l'homme d'affaires J.G. Borkmann (1894) ou le professeur Rubek de l'Épisode dramatique, Quand nous nous réveillerons... (Naar vi doede vaagner, 1899). Chaque fois, nous avons l'impression qu'Ibsen cherche à dresser son propre bilan.

Les qualités dramatiques

De nos jours, le public s'attache plus facilement aux études sociales et aux pures analyses psychologiques d'Ibsen. Il travaille aussi à discerner les traits communs qui rattachent les unes aux autres ces pièces de structure en apparence si diverses. Le drame ibsénien se distingue d'abord par la rigueur et l'économie de sa construction (ici aucune scène n'est inutile et jamais Ibsen ne décrit pour le plaisir de décrire), ensuite par la solidité de tous les personnages : tous sont égaux devant le poète. Ils ont tous un passé et ce passé nous explique, pour l'essentiel, leur comportement présent. Malheur à celui qui conserve « un cadavre dans la soute ». Un jour il sera contraint de se dévoiler et il paiera cher son coupable silence. D'autre part, la pièce d'Ibsen ne comporte pas, à son début, une « exposition » qui se distinguerait de l'action, voire du dénouement.
L'exposition commence dès la première scène et ne s'achèvera guère avant le tomber du rideau. Un mystère (ou une série de mystères) est progressivement éclairci devant nous. Alors prend-on ici le même plaisir que lorsque l'on suit les épisodes d'un roman policier ? Non, il vaudrait mieux penser au développement de la future psychanalyse — d'ailleurs Freud a consacré à Ibsen de très belles et riches pages — mais Ibsen ne se contente pas d'exciter et de satisfaire notre curiosité. Il nous captive surtout par le don qu'il a de nous replonger au plus profond de nous-mêmes. C'est un vates, poète quelque peu magicien et prophète. Il semble s'adresser à chacun de nous et nous apporter un message. Une conscience qui s'adresse à une autre conscience, non seulement pour lui plaire mais pour l'élever vers elle.

Zadek, Ostermeier, Françon et Braunschweig se sont illustrés dans des mises en scène d’Ibsen : ils ont tenu à rendre sensible l’extrême tension, voire la violence, de ses personnages.

BIBLIOGRAPHIE

H. Ibsen, Œuvres complètes, trad. G. La Chesnais à partir de 1914 (13 volumes)
Rosmersholm, trad. B. Dort et T. Sinding, TNS, 1987.
Une grande édition française d'Ibsen fait actuellement défaut. On pourra se reporter à The Oxford Ibsen, traductions et introductions de MacFarlane, 8 volumes, 1960-1978.
Études. — En norvégien : celle de Halvdan Koht, Oslo, 1928 (traduction anglaise même année) ; puis celle de Hans Heiberg ... Født til Kunstner (... Artiste de naissance), Oslo, 1967.
— En anglais : M. Meyer, Henrik Ibsen, Londres I-III, 1967-1971.
— En français : on pourra se reporter aux ouvrages d'A. Ehrhardt, 1892 ; de G. Brandes, traduit du danois en 1898 ; de W. Berteval, 1912 ; de S. Hoest, 1926 ; et aux impressions directes mais plus anecdotiques de Lugné-Poe, Ibsen, Rieder, Paris, 1936 ; puis M. Gravier, Ibsen, Paris, 1973 ; voir aussi M. Gravier, le Féminisme et l'Amour dans la littérature norvégienne, les Lettres modernes, Paris, 1968 ; Ibsen, OutreScène, public. du TNS, n°2, mars 2003.

M. GRAVIER


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