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Alexandre Dal Farra

Brésil

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Confessions intimes d'Alexandre Dal Farra

Propos recueillis et traduits par Charlotte Lagrange

Comment écrivez-vous ?

La plupart du temps, j’écris le matin, très tôt, à partir de 5 voire 4 heures du matin. C’est une habitude. Ce n’est pas que je me suis interrogé pour trouver la manière la plus utile d’écrire. La chose la plus importante pour moi est d’écrire un peu tous les jours. Il faut que j’aille dans cette autre réalité qu’est la ction au moins vingt minutes. Après ça peut durer beaucoup plus longtemps. Je peux n’écrire qu’une ligne. Mais souvent j’écris d’abord beaucoup de pages avant de faire un travail de coupe. Et il se trouve que le matin est le moment le plus calme de la journée dans l’appartement...

Pourquoi ? Je crois que j’ai quelque chose à dire. J’ai commencé par étudier la musique à l’université mais ce n’était pas la meilleure manière d’exprimer ça. Et j’ai trouvé l’écriture par hasard. Je jouais de la basse dans un groupe et il s’est trouvé à un moment donné qu’on manquait de textes sur lesquels composer la musique. L’un des musiciens a suggéré que j’en écrive. C’est comme ça que j’ai commencé. Je suis devenu l’auteur du groupe.
Petit à petit j’ai abandonné la musique et je n’ai plus gardé que l’écriture. Et maintenant je ne joue plus du tout d’instrument.
J’avais la sensation d’avoir quelque chose à exprimer au sujet de la réalité, des questions politiques comme de certaines parties de ma vie. Et puis j’ai toujours beaucoup aimé le théâtre. Mon père était un metteur en scène et acteur. Et aussi musicien. Mais j’ai toujours été dans le théâtre quand j’étais enfant.
Peut-être que la raison profonde en fait c’est que j’aime cette place en-dehors du plateau.
C’est la meilleure place pour moi. J’ai suivi des cours d’interprétation pour être acteur pendant un an. Mais c’était très dif cile, j’ai trop souffert d’être en scène. J’aime écrire des mots qui seront dits par quelqu’un d’autre. C’est aussi pour ça que j’ai une relation intime avec les acteurs.

Pour qui ?

Je n’écris pas pour un public prédé ni. J’essaie d’abord d’écrire, pour moi, quelque chose que je n’aurais pas prévu. J’essaie, c’est tout mon travail, de ne pas contrôler les mots ni la langue. Pour que l’écriture puisse aller dans des endroits que je ne connaissais pas, dans des endroits étranges que je découvre en écrivant. C’est pour ça que je ne peux pas contrôler à qui mes textes s’adressent. C’est pour ça aussi que je suis surpris quand quelqu’un aime ma pièce, quand des acteurs l’apprécient. Ça m’a l’air si personnel que je ne m’attends jamais à ce que d’autres puissent aimer. C’est sans doute qu’il y a quelque chose de commun.

Un bon souvenir de votre vie d’écrivain ?

Pour moi, ce temps quotidien de 20 minutes, 2 heures ou plus, c’est toujours un bon moment de la journée. C’est un vrai plaisir. Je me sépare de la réalité et en même temps j’essaye de m’y connecter d’une manière profonde. J’écoute beaucoup de musique trash brésilienne en écrivant, ça m’aide à trouver ce niveau de réel qui est au-dessus ou en-dessous de la réalité matérielle ou quotidienne. Un endroit qui est plus « profond » ou peut-être plutôt plus « souterrain » plus terrible, plus violent.

Un mauvais souvenir de ladite vie d’écrivain ?

Pendant un moment (j’ai eu de la chance cela dit parce que ça n’a pas été trop long) mais il y a quand même eu quelques années où les gens ne s’intéressaient pas à mon travail. Le plus dur, c’était qu’ils ne le comprenaient pas. A part trois ou quatre personnes autour de moi. Ce n’était pas horrible mais j’avais la sensation d’être seul et enfermé. De ne parler uniquement pour moi-même. Ça a changé avec la pièce Matthew, 1O qui a été très bien reçue par le public et les critiques brésiliens.

Une angoisse liée à l’écriture ?

Je ne crois pas. Je suis nerveux quand il y a une première ou que nous lisons le texte pour la première fois avec les acteurs. Même après 10 -15 ans, la première lecture est toujours angoissante. J’ai peur que ce soit de la merde. Ici aussi, j’ai eu cette sensation. Pendant toute la lecture d’Abnégation, j’ai cru que les gens détestaient ou ne comprenaient pas. Et je sais que ça vient de moi. Oui nalement c’est une petite angoisse...

Un fantasme ?

Je pense que je négocie tout le temps avec ça quand j’écris. C’est une matière d’inspiration mais c’est dangereux, parce que c’est trop libre, parce que ça peut être violent, et parce que l’important est de retrouver la réalité.
Mon écriture est ancrée dans la politique. C’est inévitable au Brésil. Et sans doute partout ailleurs. Je ne veux pas m’isoler de ces questions-là. L’imaginaire et la réalité doivent aller ensemble. Sinon c’est trop facile.

Propos recueillis et traduits par Charlotte Lagrange


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