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La Mécanique de l'ornithorynque

+ d'infos sur le texte de Delphine Gustau
mise en scène David Negroni

: Présentation

Alice, séparée du grand amour de sa vie, attend un homme. Ses préparatifs sont interrompus par l'ouverture d'un colis qu'elle vient de recevoir, contenant un sac de montres. Elle reconnaît la collection de son père qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. Souvenirs éparpillés d'une vie qu'il faut trier. Identités potentielles d'un père impossible à cerner...
Essayant d'y mettre de l'ordre, Alice s'égare dans un dédale de rêves et de souvenirs. Elle cherche une issue, une ligne de fuite. Perdue entre l'attente de cet homme d'un soir et l'absence de son père, elle égraine les solutions et les possibilités de ce qui est, n'est pas, plus, ou pourrait être. Elle refuse de voir l’évidence qu'annonce ce colis, distillant un humour acide et abusant de la fuite, dans cette mécanique si bien huilée qui, jusqu'à aujourd'hui, l'avait toujours protégée.


Monter une pièce écrite par une femme pour une femme et qui parle essentiellement du rapport au père est, pour l'homme et le père que je suis, une sorte de défi, un saut dans l'imaginaire, un voyage de l'autre côté du miroir.
Il faut dire que, peut-être un peu obnubilé pas le nom d'Alice et l'irruption des montres du père, j'ai voulu voir dans la pièce de Delphine Gustau une allusion aux aventures décrites par Charles Lutwidge Dodgson, sous le pseudonyme de Lewis Carroll.
C'est donc sous cet angle que je me suis imaginé mettre en scène les aventures toutes intérieures de cette Alice là, qui elle aussi part à la découverte de sa féminité, dans une succession de rêves où elle fait, défait et refait son rapport à l'homme en passant tout d'abord par ce père, qu'elle vient de perdre et qu'elle doit retrouver quelque part dans l'éparpillement d'un héritage chronométrique. Cet éparpillement on le retrouvera dans la scénographie comme dans la direction du jeu, car Alice maîtrise l'art de l'esquive et de la métaphore, s'échappant sans cesse d'un rêve à l'autre, s’enivrant de ses propres contes et revêtant toutes les identités qui lui tombent sous la main sans que l'on sache, et peut-être ne le sait-elle pas très bien elle-même, si elles sont véritables ou empruntées.
C'est pourquoi nous avons voulu avec Zoé Grelié créer un monde à la fois quotidien et onirique. Le décor c'est la pièce principale d'un appartement, mais tout y est blanc comme une transposition d'un intérieur banal mais qui puisse servir d'écran à la projection des fantasmes de la jeune femme. Là elle pourra jouer avec les volumes, les ombres et les transparences sans jamais sortir de son univers domestique. Une sorte de maison de poupée mentale où elle se met en scène, se cachant et s'exposant tour à tour, jouant avec les perspectives du décor qui l'entoure. Comme pour l'autre Alice, celle de Lewis Carol, il suffit d'un rien pour être trop grand ou trop petit, trop ou pas assez pour affronter le monde et ses règles.
C'est de la rencontre avec sa fragilité et de la découverte de sa force intérieure qu'il est question dans ces dialogues avec l'absence, avec les monstres que cette absence fait naître ; des monstres qui nous sont pourtant familiers tant Alice est aussi le reflet de nos propres doutes. Elle ne parle ni au public ni à elle-même mais avec des personnages qu'elle invoque devant nous, dans un jeu d'ombres onirique, comique et cruel. Ce jeu propre à l'enfance qui requiert une tension particulière, celle justement que l'on peut saisir quand on observe un enfant solitaire qui s'immerge dans ses propres chimères, avec cette sincérité particulière de ceux qui inventent un monde pour y retrouver leur vérité première.
Nous sommes ainsi convié au spectacle d'une intimité troublante sans emprunter à la confidence ni la confession. Le spectateur est tout simplement invité à une présence, au cours d'un rite étrange, une fête d'émotions, se tenant, sensible, à la lisière ; comme dans un rêve que l'on ferait ensemble.

David Negroni

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