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Hamlet

+ d'infos sur le texte de William Shakespeare traduit par Sylvie Taussig
mise en scène Jean-Luc Jeener

: Le point de vue du metteur en scène

Jean-Luc Jeener n’a pas de vision d’Hamlet, mais il a une vision du théâtre. L’enjeu était ici pour lui de dépasser, c’est-à-dire d’ignorer comme autant d’obstacles toutes les visions, toutes les interprétations d’Hamlet, pour revenir à Hamlet même et à sa vérité dont il refuse qu’elle puisse être décidée d’avance - par exemple jamais il n’envisage de décrire la vie d’Hamlet avant et hors de l’espace de la pièce ; le reconstituer, ce serait tomber dans l’illusion et les miroitements du théâtre et de la vie. Avec toute la tradition interprétative qui recouvre la pièce en voulant l’éclairer, il se retrouve devant un défi majeur, celui de la vérification de sa méthode et de ses convictions sur le théâtre incarné : ce qui se passe dans Hamlet ne se passe que dans Hamlet, c’est-à-dire sur scène, dans et par l’incarnation des comédiens. Le plus difficile de son travail a été de faire cette table rase nécessaire, chez les comédiens et en lui-même pour laisser parler les corps et les mots. Certain de ce que l’incarnation des comédiens fait vivre les personnages plus que leurs propos - qui peuvent être parfois ceux de l’auteur ou qui du moins paraissent parfois obscurs aux spectateurs contemporains éloignés du contexte de l’époque - il a délibérément effectué de nombreuses coupures et choisi de proposer une traduction nouvelle de la pièce, qui soit fidèle à l’esprit de Shakespeare plus qu’à la lettre ; on sait d’ailleurs qu’il existe plusieurs versions d’Hamlet, sans doute en fonction des circonstances de la représentation, de telle sorte que l’attachement à tel texte, comme intangible relève à ses yeux du fétichisme, et en tout cas d’une démarche qui privilégie la littérature au détriment du théâtre. Ainsi, y compris lorsqu’il modifie la trame de la pantomime, il ne croit pas être infidèle au comédien Shakespeare. Dans sa mise en scène, inventée en fonction de la matérialité de l’espace de la salle du Nord Ouest, qui invite à explorer la dimension la plus intime de la tragédie, dans la vérité même des personnages écrasés par la fatalité du péché, le texte se tait parfois, et ce sont les comédiens qui trouvent en eux et révèlent les dimensions de Shakespeare qui ont tant troublé le bon goût classique : la violence, les ruptures de ton, la bouffonnerie, l’incertitude. La contagion du doute va si loin que c’est un seul et même comédien qui joue le spectre et le fossoyeur. Les thèmes habituellement reconnus à la pièce (la quête de l’identité, l’oedipe, l’inceste, la folie, le suicide, etc.) sont vécus et échappent au discours ; c’est au spectateur à se constituer sa propre vision et à achever en quelque sorte la pièce. Son travail est une quête du sens, et non pas la recherche d’une stylisation esthétisante, comme le montre le discernement des accessoires nécessaires, pris au sérieux : le livre, les crânes, les épées, bien réels, révélateurs de l’ambiguïté proprement tragique d’Hamlet, tout à la fois jouisseur et pécheur, conduit au meurtre pour être trop lucide, pour avoir trop raison dans un monde allant pire, pour avoir trop joué avec le masque qu’il porte. Oui, c’est bien pour Hamlet qu’il a voulu organiser le cycle « Théâtre, miroir du monde ».

Sylvie Taussig

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