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Une petite douleur

+ d'infos sur le texte de Harold Pinter traduit par Eric Kahane
mise en scène Claudia Morin

: Présentation

Note du metteur en scène


Par une somptueuse matinée d’été toute imprégnée des odeurs de fleurs, Edouard et Flora prennent leur petit déjeuner. C’est le premier jour de l’été et tout semble devoir être agréable et heureux. Pourtant une guêpe intruse se glisse dans le pot de confiture. Il faut la tuer... Cette belle journée commence par un meurtre.


Une angoisse, d’abord sourde, puis de plus en plus violente, assaille Edouard. Une petite douleur à l’œil sans conséquence semble la déclencher. Mais non, ce n’est pas ce petit bobo qui le préoccupe mais bien la présence d’un marchand d’allumettes qui se tient depuis des semaines derrière la grille arrière de son jardin. Qui est-il ? Que vient-il faire là ? Pourquoi vend-il des allumettes sur un chemin que personne n’emprunte ?


Le marchand devient le support de toutes les angoisses refoulées d’Edouard qui l’observe avec terreur de la fenêtre de la maison donnant sur l’arrière du jardin. Il faut tirer cela au clair, le faire venir et lui parler. Mais l’homme se tait, Edouard ne tirera de lui que rires et larmes.


Harold Pinter, d’une situation quotidienne et banale, crée un univers singulier à la fois comique et étrange. La logique d’Edouard dérape face au mutisme du vieil homme. Point d’issue pour cet intellectuel enfermé dans son monde clos et cadenassé.


Flora, l’épouse fidèle, quant à elle, se livre à une divagation amoureuse. Les vêtements boueux du marchand ne lui rappelle-t-il pas le viol dont adolescente elle a été victime ? Mais sans doute ce souvenir est-il excitant à raconter à l’inconnu ?


Harold Pinter nous engage sur des pistes, toutes vraisemblables. Il nous donne des indices, comme s’il s’agissait d’un roman policier. Aucun ne nous mènera vers une compréhension claire de ce qui advient à ce couple qui nous ressemble tant. Le mystère et le questionnement nous tiennent en éveil pendant toute la pièce.


C’est à un jeu d’esprit brillant et étrange que l’auteur nous convie. Mêlant l’absurde, l’humour et le sentiment du tragique de l’existence, Harold Pinter mène sans faille cette Petite Douleur jusqu’à sa conclusion imprévisible.


Claudia Morin




La traduction


La découverte de l'œuvre de Pinter en France est indissociable du travail de son traducteur français, Eric Kahane. Durant plus de trente ans, c'est à travers ce « couple » que nous avons découvert, pièce après pièce, un auteur majeur du théâtre occidental contemporain. Kahane était son plus enthousiaste messager et sensiblement les spectateurs se familiarisaient avec cette langue et ce théâtre qui ne cesse de « flirter » avec les limites d'un théâtre du « verbe » et celles, plus provocantes, du boulevard-chic. Qu'on le veuille ou non, la langue de Kahane, si bénéfique à la découverte de Pinter, se dresse aujourd'hui entre le texte original et nous. Non qu'elle nous en opacifie le sens où qu'elle nous en cache je ne sais quelle subtilité, mais tout simplement parce qu'elle témoigne, aujourd'hui, d'un souci de la bienséance dramatique qui a subi quelques modifications essentielles, surtout dans le domaine de cette prose poétique du quotidien intimement au travail dans les textes de Pinter. Ce ne sont pas les traductions de Kahane qui ont vieilli mais notre attente en matière de théâtre du « verbe » qui a changé. Retraduire « Une petite douleur », c'est oser chercher le « petit bobo » (avec toute l'ambivalence de ce mot) qui se cache derrière le titre anglais (« A slight Ache »). Les registres de langue ont évolué : les petits bourgeois anglais, s'ils continuent à distiller la même indifférence au monde (ils n'ont certes pas le monopole de cette attitude) perçoivent le monde à travers la langue de leur contemporain. Qu'on le veuille ou non, la traduction d'un texte dramatique reste un acte s'inscrivant dans un contexte historique et culturel précis, ce qui n'est pas le cas pour le texte original qui est avant tout transcendance artistique. Les mots de Pinter, s'ils n'ont pas changé, résonnent d'une toute autre manière et la traduction travaille à partir de cette résonance, résonance chez le traducteur, chez les spectateurs français. Loin de contester ou de détruire le travail d'Eric Kahane, cette nouvelle traduction se veut avant tout une contribution à la modernité essentielle de Pinter. En 1958 il imagine cet étrange couple qui, au fil de scènes de la Petite douleur, va inscrire ses gestes, ses silences et ses paroles dans la mise en scène banalement destructrice d'un monde qui se libère (se libéralise ?) dans l'horreur. On a beau chercher, il existe peu de paroles équivalentes sur nos scènes de théâtre européennes, et ce n'est que rendre justice à ce texte que de lui donner, par le truchement toujours maladroit d'une nouvelle traduction, la force et l'évidence d'une parole que nous nous devons de recevoir dans sa plus radicale modernité.


René Fix
Mai 2005

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