theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Une Histoire d'âme »

Une Histoire d'âme

mise en scène Bénédicte Acolas

: Entretien avec Benedicte Acolas

Propos recueillis par Pierre Notte

J’ai eu la chance de découvrir en 2004 un scénario que Bergman n’aura jamais tourné. Il envisageait d’en faire un long métrage composé d’un unique gros plan. Je me suis adressée à lui et il m’a confié les droits pour le théâtre par écrit. Une histoire d’âme, texte écrit en 1972, m’a séduite par sa singularité d’écriture et de situation.


Dans l’oeuvre de Bergman, il est partout question de l’âme : dans Le silence, Une passion, Cris et chuchotements et pour lui, il y a ceux qui ont une âme et les autres. Tous ces personnages se définissent selon leur âme. On rencontre des âmes soeurs, une âme perdue, une âme isolée qui lutte face à ses démons. L’héroïne bergmanienne vit dans l’humiliation violente que lui inflige une société de compromis. Et sa seule issue est le face-à-face avec son âme. Ce n’est pas tant la schizophrénie qui est intéressante ici dans Une histoire d’âme que ce personnage féminin « schizé », coupé du monde dans lequel il vit et de lui-même. Viktoria porte son âme sur son visage et Bergman s’approche du visage humain, il cherche, scrute, empoigne. Cette révélation du visage comme expression de l’âme humaine fait figure d’îlot de lumière. Viktoria est traversée par des forces qui la maintiennent en vie. Elle s’attache à détruire les apparences, les faux-semblants, les mensonges pour laisser apparaître l’être.


Dans Une histoire d’âme, on peut lire un autoportrait de Bergman. Il évoque une sorte de folie, mais une folie qui n’est jamais à la marge ni hors du monde que Bergman présente dans un hôpital psychiatrique, un environnement qu’il a connu enfant alors que son père, pasteur, dirigeait une paroisse dans un grand ensemble hospitalier. Il aborde et distille tous ses sujets : la relation père/ enfant ; les relations de couple ; Dieu et l’art bien sûr. Il a parfois donné de lui une image d’homme autoritaire alors qu’il doutait de lui sans cesse. À travers Viktoria, il s’empare de tout cela : la vanité de l’art, le doute, le ratage, les apparences trompeuses. Viktoria s’enthousiasme en écoutant Strauss, en évoquant son art et elle est sincère. Elle est humble, pas vaniteuse, faite de fantasmes, de souvenirs et de failles. Sa sensibilité extrême aurait pu la conduire à une carrière exceptionnelle, mais elle n’a pas réussi à s’accomplir dans ce monde. Elle demeure incomprise. Viktoria joue un rôle social qui la torture. Elle a épousé un pasteur et souffre d’une relation sexuelle absente, d’un manque d’amour avec son père, sa mère. Et tout cela nous sera transmis par la comédienne Sophie Marceau. Nous serons sur le plateau sans aucun signe précis d’une époque ou d’un lieu. Il s’agit bien d’une histoire d’âme, de voix intérieures. On est comme à l’intérieur d’elle, là où les passions l’assaillent. Le personnage évolue dans ce lieu qui change autour d’elle selon ses émotions, ses pensées, ses circonvolutions.


Sophie Marceau est une comédienne extrêmement proche des héroïnes bergmaniennes qui sont des femmes à la fois très belles, fortes et sensuelles. Elle incarne une puissance tellurique. Une femme qui s’empare de son destin, à bras le corps, même si Viktoria est empêchée, même si elle ne s’accomplit pas. Elle reste puissante et belle avec ses fragilités humaines qu’elle expose, qu’elle explore plongée dans une solitude infinie. Sophie Marceau est aussi une réalisatrice, une créatrice et nos regards artistiques se croisent. Elle est formidablement investie, disponible, passionnée par l’oeuvre de Bergman. Ses expériences au théâtre sont rares et elle souhaitait y revenir depuis longtemps avec un projet singulier.


On a déjà commencé à travailler très en amont des répétitions dans le cadre d’une résidence à la Ménagerie de Verre. On lit, on débat, on cherche. Comment restituer les failles du personnage de Viktoria, sa sincérité, son humanité à vif ? Et c’est bien cela, cette sensible humanité qui a touchée et intéressée Sophie Marceau. La souffrance maquillée par des apparences trompeuses : « La difficulté est bien sûr que je vis dans un vide que je remplis de mes rêves et de mes fantasmes », nous dit le personnage de Viktoria.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.