Lorsque l’on pense accordéon, c'est souvent l'empreinte du musette qui apparaît. Et pourtant l'instrument est né à Vienne en 1829 dans les salons bourgeois où il était principalement utilisé pour jouer des ouvertures. Mais face à ses limites organologiques il est abandonné des salons et descend dans la rue où son petit gabarit le rend immédiatement populaire. L'instrument évolue et se complexifie. Les vagues migratoires qui se succèdent contribuent à le faire voyager et à enrichir son répertoire. Il devient un des instruments du voyage ; nomade toujours en mouvement, cherchant la terre improbable où se poser, nostalgique de celle qu'il a quittée, cheminant souvent avec la voix pour colporter les rumeur du monde, jouant l'Histoire, racontant des histoires.

Nous avons voulu mettre en scène un accordéoniste et son instrument et imaginer quelles histoires pourraient sortir de sa boîte à frissons. De fil en aiguille nous sommes entrés dans son intimité, ses fantasmes, ses rêveries, ses moments de solitude dans lesquels il donne voix au corps de son accordéon, invente sa compagne, son Accordéone : complice de voyage, compagne de solitude, figure fantasmée de ses cheminements intérieurs. Mais qui est-elle cette Accordéone qui tel le serpent charmé sort de son panier au son de la musique ? Et finalement qui du reptile ou du charmeur hypnotise l’autre ? Ne sont-ils pas plutôt tout deux dans un jeu d’une attirance dangereuse ? Elle entre et sort au gré de ses humeurs, instable et insaisissable, comme incapable de se poser vraiment, une Accordéone qui se cherche, part, revient, enfile robes et manteaux ajoutant des couches ou bien les ôtant comme une tentative de trouver la peau qui lui convient et dans laquelle elle trouverait enfin sa place. L’image du tango nous a beaucoup portés : cette idée d’une poussée vers l'avant suivie d'une retenue. Des moments en suspens, hors du temps, denses mais fugitifs. Des morceaux d’histoires, d’univers qui arrivent et repartent, insaisissables mais qui laissent leurs traces …