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Tristesse animal noir

+ d'infos sur le texte de Anja Hilling traduit par Silvia Berutti-Ronelt
mise en scène Julien Gosselin

: Note d’intention

par Julien Gosselin, pour le collectif Si vous pouviez lécher mon coeur

Il y a un peu plus d’un an, nous entamions les répétitions de Gênes 01 de Fausto Paravidino. Une des choses dont je me souviens, c’est que le choix de cette pièce découlait d’une impérieuse nécessité. Il fallait jouer cela. Il fallait que nous jouions cela. Cette histoire, politique évidemment, tragique d’abord.
Nous avons créé Gênes 01 en fin de saison dernière.
Et puis rien.
Alors, la volonté collective de se retrouver, vite.
Il fallait lire beaucoup, en peu de temps, trouver une bonne pièce. Et pas grand-chose, en tout cas rien qui ne puisse nous être aussi important à dire que les mots de Paravidino.
Et puis, au cours d’une recherche de fonds de tiroirs, Tristesse animal noir d’Anja Hilling, mal imprimé, corné, une nouvelle traduction reçue un an auparavant, à peine feuilletée, voilà.
Et la certitude instantanée d’être tombé sur un texte gigantesque, pas seulement une bonne pièce.

L’histoire de six bobos normaux, sans intérêt dramatique réel si ce n’est celui d’avoir autant de défauts que nous tous. Jennifer, Miranda, Paul, Oskar, Flynn et Martin, partis pour une grill-party en forêt. On y parle d’art contemporain, de sexe, d’architecture, du nouvel Elvis Presley, de la difficile reconversion des mannequins mères de famille. On parle beaucoup de soi, on ironise sans cesse, on boit, on se prend à imaginer que ce moment en forêt serait un morceau authentique de vraie vie.

On s’endort, enfin.

Et la forêt s’enflamme.

Et voilà ces êtres là confrontés à l’inimaginable, la catastrophe, un feu de forêt si grand qu’il engloutit tout sur son passage, les feuilles, les arbres, les animaux, une femme, un bébé.

Anja Hilling nous donne ici un texte génialement intelligent qui s’ouvre par des dialogues d’un absolu quotidien pour passer à un théâtre narratif surpuissant.
Une tragédie moderne qui nous parle de ce que peuvent être réellement la mort et la violence, loin des poncifs dramatiques. De ce que nous ferions, nous, confrontés à cela, mais surtout de ce que nous ne pourrions faire.

Elle nous parle aussi de l’art, de l’acte artistique en son cœur, de sa nécessité, de son potentiel de réalité, mais surtout de la place de la narration au théâtre aujourd’hui, seul moyen ici de dire ce qui brûle en chaque personnage, quand il leur est impossible de parler, par manque de force ou parce qu’aucun mot ne saurait décrire l’instant.

Nous avons travaillé sur le texte pendant un mois, une forme de vaste laboratoire, au 232U d’Aulnoye-Aymeries. Nous y avons présenté la moitié de la pièce. Avec, alors, la certitude qu’il nous fallait jouer cette pièce, que ce projet était au fond l’exacte continuation de Gênes 01 par son mode d’écriture narrative, en tirets, avec une infinie puissance qui, quand le texte de Paravidino nous plongeait dans le réel, nous immerge ici dans l’impensable. Cette envie profonde, aussi, de jouer les auteurs d’aujourd’hui, quand ils peuvent nous donner de tels chefs-d’œuvre : quand le théâtre trouve enfin une nouvelle place, sans caractère patrimonial, quand il joue de ses propres moyens : le présent, l’acteur, le texte (presque littérairement parlant), le temps, l’espace. Quand une nouvelle dramaturgie permet par le récit de créer l’espace mental et quitte la convention.

Nous voulons avec ce texte poursuivre cette recherche d’un théâtre du dire, un théâtre d’acteurs, pauvre. C’est aussi l’occasion pour nous de rechercher une musicalité, avec l’irruption sur scène du chant et un long travail de création sonore live, où tous les acteurs joueront la bande-son du spectacle. Nous voulons aussi poursuivre notre travail physique, déjà entamé dans Gênes 01, en incluant plusieurs moments purement dansés.

Tristesse animal noir est une œuvre-monde qui par sa grande diversité de modes nous ouvre une infinité de possibles dramaturgiques et esthétiques. Mais c’est surtout une histoire qui nous parle des hommes, de leur laideur habituelle, de leur infinie lâcheté ou de leur incroyable courage.

Avec une question centrale : quand nous imaginons le pire, pensons-nous vraiment en avoir une petite idée ?

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