Dans un article récent, Gerald R. Crabtree suggère que les êtres humains avancent inexorablement vers l’abêtissement. Du point de vue évolutif, notre intelligence ne serait plus, depuis longtemps, un facteur de sélection et aurait donc déjà entamé son déclin. Cette thèse provocatrice demeure très discutable (et discutée) car elle pose la question de la mesure de l’intelligence. Rappelons la brillante démonstration par Stephen Jay Gould de la vanité et le peu de sérieux scientifique de toutes les tentatives opérées en ce sens jusqu’à aujourd’hui. Cet article a cependant le mérite de mettre en avant un phénomène dont l’existence est indubitable : notre intelligence change et rapidement. La mémoire n’est plus un facteur de survie autant qu’elle a pu l’être dans le passé. Il en va de même pour la stabilité émotionnelle, la capacité à hiérarchiser les priorités et à traiter un vaste éventail de problèmes divers. Les capacités mémorielles se sont déplacées dans les prothèses de l’écrit. Nous devenons spécialisés. Notre sensibilité émotionnelle s’aiguise. Ce spectacle s’adresse à nos descendants, à ces êtres humains disposant d’une intelligence différente, et a priori inférieure selon certains de nos critères, ainsi qu’au public d’aujourd’hui afin qu’il puisse prendre parti dans ce débat. Vous allez certainement me demander : comment comptez-vous faire pour présenter votre spectacle à ce public du futur ? Pas de souci ! Ces hommes de demain disposeront bien évidemment des techniques qui leur permettront de visionner le passé aussi facilement que nous regardons la télévision. D’ailleurs, à ce propos, l’un d’entre eux est certainement en train de lire par dessus votre épaule en ce moment…

Plus sérieusement, ce qui m’intéresse ici est la forme de langage scénique qu’il faut développer pour s’adresser à un public fictif.

Christophe Jaquet