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Théo ou Le temps neuf

+ d'infos sur l'adaptation de Jean Boillot ,
mise en scène Jean Boillot

: Notes pour une mise en scène

Qu’est ce que tu dis, tonton ?
Des choses pour les enfants, mon ange.
Tu es écrit là tu vois sur mon carnet.
Jamais personne ne pourra dire que je n’ai pas dit la vérité.
Robert Pinget


Introduction


De Brecht à Pinget, pas de cheminement, mais un bond. Peu importe que ce soit en avant ou en arrière. Je prends un chemin de traverse. Je passe d’une écriture matérialiste (Brecht, Piemme et bientôt Koutchevsky) à une écriture poétique, sensible. J’écoute et joue la voix mineure d’un poète de l’intime, Robert Pinget, né trop près de Beckett dont il était l’ami. Je remplace le théâtre épique par les gestes quotidiens, qui, répétés, tiennent lieu de tout.


Le texte


Théo ou le temps neuf est un petit roman de Pinget. C’est une écriture fragmentaire et musicale, faite de variations. L’univers de Robert Pinget s’y décline en une suite de moments/morceaux du quotidien, tendres et drolatiques. On y retrouve la galerie de personnages de Pinget qui se sont épurés au fil des livres et du temps : Mortin, vieil écrivain cyclothymique, en proie aux affres de la création littéraire ; Johann, son larbin, jardinier de son état ; Noémie, la bonne dévouée; son docteur, ami et premier lecteur ; et un petit-neveu de sept ans, Théo, en vacance chez son grand-oncle avec lequel il discute des grands sujets existentiels et de littérature.


Nous assistons, du dedans et du dehors, à l’écriture du grand-oeuvre de Mortin. L’écriture, vécue comme une revanche sur l’éboulement de la vieillesse, comme une ascèse, une discipline contre le dérèglement de la vie quotidienne. La vie de la maison se déroule, au gré des crises du Maître, des piqures du docteur, des coups de gueule de Johann, des tisanes de la bonne et de la merveilleuse vitalité de l’enfant.


Départs


L’histoire de Théo est celle d’une quête : un écrivain veut écrire l’oeuvre absolue qui le garantira des outrages de la vie. Transmuer la vie en livre, c’est son but ; en une oeuvre qui renferme toute chose, « le temps neuf ». Quête fiévreuse menée par l’auteur qui perd ses moyens. La vieillesse n’arrange rien à l’affaire : perte du sommeil, de la mémoire, écroulement du corps contre lequel tente de s’ériger la discipline des forces de l’esprit…


Parce que le monde dont il est le Maître s’effrite : il ne se sent plus le maître chez lui, les domestiques profitent de sa fragilité… Peinture d’une société qui est un vestige d’un lointain passé bourgeois qui s’incarne dans cette grande demeure, son jardin et ses deux domestiques.


Mais il y a cet enfant, Théo, comme un rayon de soleil. Mortin veut lui transmettre l’essentiel : son amour de la littérature. Pièce testamentaire donc qui s’exprime dans de magnifiques dialogues entre le Maître et l’Enfant.


Robert Pinget est pour moi un amour de jeunesse. Je me suis toujours senti bien reçu, dans son petit théâtre intime, poétique, cruel et clownesque. Voici vingt ans, je l’ai découvert grâce aux spectacles de Joël Jouanneau qui avait su faire irradier le talent exceptionnel de David Warilow, acteur exceptionnel. Car Pinget est avant tout un théâtre d’acteur.


En 1996, encore au Conservatoire, je faisais mon premier acte de metteur en scène avec l’une de ses pièces, Autour de Mortin. Je reprendrai le dialogue suspendu avec Robert Pinget, accompagné de Philippe Lardaud qui fut de la première aventure-Pinget et qui cette fois sera seul en scène pour jouer le narrateur et toutes ses voix.


Je reste fidèle à mes acteurs. Je crois qu’on peut creuser toujours plus profond le dialogue avec un acteur. Le théâtre, c’est une rencontre, c’est avant tout l’histoire humaine d’un groupe. Mon dialogue avec Philippe Lardaud n’est pas encore achevé. Il me procure, ainsi qu’Isabelle Ronayette, Serge Brincat, Stéphanie Schwartzbrod et d’autres, l’envie de creuser plus profond ensemble.


Avec Philippe, nous avons commis plusieurs spectacles, à commencer par un texte de Pinget « Autour de Mortin », mon tout premier acte de metteur en scène au Conservatoire. Puis on l’a vu dans l’épopée du Décaméron ; il a campé un magnifique Mr Farce, dans la pièce du même nom ; il était le messager stylé de la Reine dans le Balcon ; il était le jeune et machiavélique Octave dans le Sang des Amis ; il était l’intellectuel Prédicateur dans la Mère Courage, il était l’amoureux Valère dans Notre Avare.


Fin, mental, précis, fou, poète… Philippe sera notre narrateur, il nous fera assister à l’acte d’écriture, la création, avec ses affirmations, ses hésitations ; il incarnera les cinq voix de Théo ou le temps neuf.

Jean Boillot, directeur et metteur en scène du NEST

avril 2012

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