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Le Tour d'écrou

+ d'infos sur l'adaptation de Myfanwy Piper ,
mise en scène Olivier Bénézech

: Note d’intention

par Olivier Bénézech

Pour un tour d’écrou encore plus serré…

Benjamin Britten a découvert Le Tour d’écrou de Henry James en 1932. Il avait 18 ans, et fut alors impressionné par l’aspect sinistre et effrayant de l’oeuvre. Pendant 18 ans, la nouvelle de James tourmente et fascine le compositeur, tout en le stimulant puisque l’opéra qui en découle est l’un de ses meilleurs ouvrages, doté d’une force subtile, sensuelle et angoissante.
Cette inspiration n’est pas fortuite. Britten a toujours été fasciné par le monde de l’enfance (dans son journal, il relate sa passion pour Hansel et Gretel), ou plutôt devrions-nous dire la perte de l’enfance, ou de ses rapports avec la marginalité (Peter Grimes, Albert Herring, Mort à Venise).

Flora et Miles, les deux protagonistes enfants de la nouvelle de James, brisent le monde de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte. La petite fille finit par entrer brutalement dans le monde des adultes, ce qui la sauve. Tandis que le petit garçon, victime de pulsions plus violentes et incompatibles avec son âge, meurt en tentant d’en sortir.
Naturellement, aujourd’hui, on aurait du mal à ne pas qualifier ces comportements de post freudiens. La psychanalyse existait dans les années 1950 mais l’étude des comportements était moins libre qu’aujourd’hui, surtout lorsqu’il est question de sexualité, permise ou non.
C’est là où l’on touche à la force inconsciente de l’oeuvre : chez James, et a fortiori chez Britten, nous ne sommes pas en face d’un roman-feuilleton fantastique. Mais bien d’une véritable tragédie psychanalytique.

Flora et Miles sont des enfants qui grandissent, comme tous les enfants, avec de véritables sentiments. La pudeur puritaine (n’oublions pas que James a écrit l’oeuvre en pleine époque victorienne) les empêche de s’exprimer quant à leurs rapports avec leurs anciens précepteurs, - prédateurs ? Mais si les circonstances les autorisaient à le faire, alors il n’y aurait plus de situation théâtrale, ou simplement deviendrait-elle sordide. Et c’est là le génie de James : le secret des enfants est d’ordre mental, une configuration mystérieuse de l’esprit, un détour caché de l’intelligence, un refuge inabordable de l’âme. Et si nous, adultes, voulons le percer, nous resterons dans un domaine spéculatif puisque James ne dit rien !

Tout de même, il y a une nuance de taille. Chez James, les précepteurs, morts accidentellement, n’apparaissent qu’en tant qu’ombres, presque comme un fantasme. Chez Britten, ils sont de chair et de sang, et l’écriture vocale confiée au rôle de Quint est dotée d’une véritable sensualité.
Voilà qui renforce la construction freudienne de l’oeuvre : quatre protagonistes, Flora et Miles, en face de Peter Quint et Miss Jessel. Quant à la nouvelle Gouvernante qui arrive et qui tente de supplanter l’impact moral de ces deux créatures sur l’esprit des enfants, elle n’a pas de nom…
La présence physique de ces deux créatures soutenue par l’impressionnante vocalité imaginée par le compositeur ne fait qu’ajouter à l’ambiguïté de l’oeuvre, sans pour autant la pousser vers un matérialisme de mauvais goût. Britten représente le sommet de la pureté musicale, de la finesse de l’expression, de la théâtralité efficace, mais pas appuyée – à l’opposé de l’outrance du genre « opéra ».
La nouvelle de James n’a pas toujours produit les mêmes effets subtils. Plusieurs adaptations cinématographiques, ultérieures à la création de l’opéra en 1954, sont tombées dans le racolage, voire le voyeurisme mélangé à un fantastique de pacotille. C’est le cas des Innocents en 1961 (avec Deborah Kerr dans le rôle de la Gouvernante), et du film de James Clayton en 1972, Le Corrupteur, avec Marlon Brando dans le rôle de Quint…
En 1994 Rutsy Lemorande réalise un film à l’atmosphère sensuelle et inquiétante à la fois. Ces films ont eu l’avantage de donner à l’oeuvre de nouvelles vies, avec des lectures en accord avec leur temps. Ainsi dans le film de Michael Winner en 1972, le personnage de Quint interprété par Brando a le mérite de rapprocher l’univers de James de celui des années 70, avec un Peter Quint qui brise les conventions, renverse les valeurs et devient un asocial typique de ces années de liberté des moeurs.

Ces métamorphoses de l’oeuvre nous séduisent terriblement. Ainsi, loin de nous l’idée de maintenir l’opéra de Britten dans l’univers puritain des années victoriennes, ou celui du puritanisme hypocrite des années 50. Nous verrons comment rendre perceptible ces troubles de l’esprit aux générations contemporaines, capables d’être en règle avec elles-mêmes, mais souvent en apparence seulement.

L’univers british, affirmé, est indispensable à l’ambiance musicale de Britten. Son esthétique sera celle d’un passé proche.

Quint et Jessel ne seront pas des spectres ridicules mais des jeunes gens identifiables aux personnages de la saga Twillight. C’est-à-dire des esprits à l’apparence humaine et charnelle.

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