Avec le diptyque composé de RESET (2010) et SUN (2011), nous avons questionné l’enfant à l’endroit du plateau. Nous avons travaillé - et continuons de le faire - sur la thématique d’une enfance perdue, tout en essayant de trouver et de donner la parole à des enfants. Pour cela, nous faisons régulièrement des laboratoires d’écriture et d’improvisation avec la caméra et des enfants venant de divers horizons (Ferme du Buisson-Scène Nationale de Marne la Vallée, le CENTQUATRE-Paris, TGP-CDN de Saint-Denis). Ces laboratoires sont une façon pour moi d’écrire autour d’une enfance qui parle en son nom ; en effet, les rôles principaux de RESET et SUN sont des enfants âgés de 9 à 13 ans.

Dans la continuité de ce questionnement, nous désirons aujourd’hui non pas mettre des enfants sur le plateau, mais nous adresser à eux : travailler sur une écriture jeune public et leur donner à écouter.

Notre travail, étroitement lié aux nouvelles technologies, s’est orienté petit à petit sur un questionnement : comment écrire de la poésie dite numérique ? L’ère numérique est une nouvelle forme d’environnement dans lequel les enfants se meuvent, se perdent, s’épanouissent.Naturel à leurs yeux, il compense pour certains l’ennui et le manque d’imaginaire ; pour d’autres, il ouvre des horizons nouveaux inattendus et non dénués de poésie.

C’est cet endroit que nous désirons interroger. Mais il s’agit également pour nous de continuer - comme nous le faisons depuis toujours, de composer tant avec les nouvelles technologies qu’avec les nouvelles écritures scéniques, au service d’un texte s’adressant à des enfants. Comment écrire une dramaturgie liée à ces outils ? Comment une grammaire s’opère autrement et invente de nouveaux modes narratifs ?

Je travaille depuis plusieurs années avec Joël Jouanneau, notamment sur l’écriture de RESET et SUN. Je souhaite poursuivre ici cette collaboration avec cet auteur sensible à l’écriture jeune public. Comment traverser la question du conte autrement ? Un conte qui s’écrirait tant dans sa thématique que dans son mode narratif. Partir de la question du conte traditionnel pour l’emmener vers une forme plus proche de notre relation au temps et à la narration ; car aujourd’hui les enfants sont liés à des modes narratifs et des représentations du monde allant des livres aux jeux vidéo, du dessin animé aux jeux de rôle, du théâtre à la TV.

Tête Haute se compose comme un journal de bord ou le chroniques d’un enfant qui joue seul pendant les vacances dans la maison de son père absent. Cette absence pousse petit à petit l’enfant à écrire ce journal intime, qui le mènera à la rencontre d’un secret enfoui au plus profond de lui. Insoupçonnable, et pourtant là, à l’intérieur de lui, une vérité s’éveille à travers les mots qu’il traverse, les paysages qu’il décrit. Jour après jour, paysage après paysage ; chaque page de ce carnet de voyage, symbolise les cailloux que le Petit Poucet sème dans la forêt pour ne pas perdre son point d’origine.

L’écriture devient alors son unique mode d’expression, l’endroit exutoire où il peut dompter son ennui, ses peurs, sa colère. On ne sait jamais si le monde qu’il décrit appartient à sa réalité ou aux nombreux fantasmes que nous procure l’enfance. L’errance dans laquelle l’enfant se trouve, nous révèle celle d’une enfance livrée à elle-même qui cartographie dans sa marche le monde qui l'entoure et qu'elle finit par traverser et transgresser.

Cyril Teste