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Seule la mer

d'après [Seule la mer] de Amos Oz
mise en scène Denis Maillefer

: Note d’intention

Lire «Seule la mer», et à plus forte raison, mettre en scène «Seule la mer», c’est chercher d’impossibles réponses à de si anciennes questions, comment vivre, pourquoi vivre, comment et pourquoi aimer. Et aussi, par rebond, pourquoi tenter de raconter sur le plateau, pourquoi mettre en scène, que dire avec cela, que chercher ?
J’aimerais que ce qui se passe sur le plateau nous projette au coeur de nous-mêmes et que cette sensation nous accompagne durablement, un jour, cent jours, dix ans. Oz le dit dans un texte intitulé «Pourquoi lire» paru en 1987 : «Nous, en tant que lecteurs, nous accordons notre grâce à quelque chose en nous, à cette part de nous-mêmes avec laquelle en général nous ne vivons pas en paix. Et c’est là le grand miracle de l’art en général et de la littérature en particulier, la possibilité d’une grâce. La réconciliation, finalement, avec cette part de nous-mêmes dont nous aurions voulu qu’elle meure ou qu’elle n’existe pas.»
Amos Oz écrit des mots qui accompagnent, mais aussi qui éclairent, qui arrivent à dire ce que je ressens. Il a une intelligence généreuse et humaniste, une acuité et une précision parfois lapidaires, tout comme Tchekhov, qu’il cite fréquemment et qu’il admire: «Oui, Tchekhov. C’est pour moi très étrange et très troublant de quitter «La cerisaie», et de retrouver si fortement Tchekhov chez Oz. Dans sa manière de parler de détails apparemment insignifiants mais qui se révèlent essentiels, dans cette tendresse si crue, dans cette attirance pour les grands et petits ratages qui laissent les individus déprimés, leurs rêves brisés, les illusions en morceaux [...], mais tous sont en vie.» (Oz, entretien radiophonique, 1977).
Les gestes, aussi, chez ces frais immigrés un peu perdus dans un pays dont ils ne savent rien, le ramènent en Russie: «Ces doigts empruntés qui ne savent pas quoi faire d’eux-mêmes et auraient voulu disparaître, cette timidité, cette gaucherie, tout cela était tchekhovien» (Une enfance à Jérusalem, 1994). Mais probablement suis-je moi-même, un peu, insidieusement, tchekhovisé ! Tchekhov apprend à regarder différemment, lire différemment, aimer différemment, peut-être mettre en scène différemment. Et tant mieux. Sinon à quoi bon lire, mettre en scène, aimer...

Denis Maillefer

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