: Propos du metteur en scène
Ma première image de théâtre était donc et serait donc celle-là : un lieu qui vous renvoie quelque part, qui prend possession de votre réalité intime pour lui imprimer des mots, des pensées, une trajectoire presque. Cette image reste aussi très fortement associée au texte, à la langue, au son. Le langage qui s'élaborait ici "sous mes yeux" par B.-M. Koltès, me montrait le théâtre dans tout ce qu'il pouvait représenter de moderne et de sauvage.
Nous avons crée Le retour au désert de Bernard-Marie Koltès en juillet 1999, à l'occasion des IIe Rencontres théâtrales internationales de Haute-Corse créées en 1997 à l'initiative de Robin Renucci. Pendant un mois, ces rencontres réunissaient une quinzaine d'intervenants (metteurs en scène et pédagogues) et une centaine de jeunes acteurs, venant aussi bien de Corse, du continent que de pays de la Communauté européenne et internationale. Le travail et les représentations se déroulaient un peu partout dans les quatre villages qui composent la micro-région du Giunsani. Il s'agissait d'inventer un projet théâtral commun à partir d'un outil unique : une région entière disponible et disposée à l'espace et au travail scénique. Créer et présenter Le retour au désert à l'occasion de ces Rencontres se présentait pour moi comme une sorte de "vérification" : tester la puissance comique de Koltès, son côté feuilletonesque, romanesque, immédiat, auprès d'un public qui n'a habituellement pas accès au théâtre contemporain.
J'entrevoyais assez bien cette troisième mise en scène d'un texte de Koltès, ce qui faisait de l'œuvre quelque chose de passionnant à suivre ; il est facile de voir à quel point les histoires qu'il propose sont bien racontées, ce qui l'est moins, en revanche, c'est de les mettre en scène, de raconter ces histoires en "seconde voix", sans obstruer la fulgurance de la narration. Après avoir joué Le retour devant deux fois mille personnes, je sais aujourd'hui que ça "marche", tout marche. La pièce est drôle d'un bout à l'autre : la mécanique du boulevard est d'une efficacité mortelle. Le suspense, l'avancée des personnages dans l'action, leurs desseins, sont aussi palpitants que dans les films de Hawks, Scorsese ou Coppola ou que dans les romans de London ou Garcia Marquez.
Je crois que le travail du metteur en scène chez Koltès est avant tout d'abandonner toute velléité poétique, sociale, politique, esthétique, de disparaître en quelque sorte. Les seules questions à se poser sont, comme pour l'auteur : comment raconter ça ? Comment le dire ? Comme dans les duels de westerns, chez Koltès, il n'y a pas de place pour deux, le texte et le metteur en scène.
Thierry de Peretti
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