: La Pièce
Spectacle en néerlandais surtitré en français
« C’est un peu un regret, dans ma vie, le célibat. C’est surtout gênant pour les vacances. Les gens se
méfient des hommes seuls en vacances, à partir d’un certain âge : ils supposent chez eux beaucoup
d’égoïsme et sans doute un peu de vice ; je ne peux pas leur donner tort. »
Michel, fonctionnaire du ministère de la culture, se présente ainsi au début du roman, avant de se
laisser tenter par un circuit organisé par Nouvelles Frontières qui promet « un zeste d’aventure » -
en Thaïlande. Depuis longtemps, les organisateurs de voyage européens et les grands groupes
hôteliers voient dans les célibataires urbains comme Michel une clientèle. Le tourisme sexuel est
florissant, mais personne ne veut en parler.
Ce n’est pas le cas de Michel Houellebecq, qui depuis le succès international d’Extension du domaine de la lutte joue le rôle d’agent provocateur par excellence et renvoie sa propre image à une société
hypocrite. Les réactions véhémentes qui ont suivi ces dernières années ses provocations littéraires
semblent lui donner raison : c’est dans les points faibles de la société que cette hypocrisie est la plus
manifeste. Dans Plateforme également, Houellebecq passe en revue toutes les formes du
«politiquement incorrect». Outre sa banalisation du tourisme sexuel par le biais d’une prose
pornographique, il s’est aussi vu reprocher le fait de dénigrer l’Islam. Conséquences d’une
colonisation capitaliste de l’Orient (d’abord synonyme, dans le roman, d’une promesse de bonheur)
ou phénomène quotidien dans le monde occidental (ici Paris), racisme et violence d’origine
religieuse sont omniprésents. Ici aussi, une bombe explose. Et ce n’est que dans les décombres que
laisse la catastrophe que l’occident et le tiers-monde semblent se mêler. Michel et Valérie
concevaient un tourisme sexuel censé régler, selon les lois de l’offre et de la demande, le flux
financier de l’Europe vers une Asie où une sexualité non encore pervertie par le sentiment était
encore possible. Ce projet finit par voler en éclat, et Michel demeure seul, brisé.
Johan Simons, directeur artistique du NTGent (Gand), est aujourd’hui un des metteurs en scène les
plus marquants dans le théâtre européen. À côté des matériaux antiques, il se consacre souvent à
l’adaptation de romans et de films, qu’il concentre en un théâtre sans fioriture. Plateforme est le
troisième roman de Michel Houellebecq que Johan Simons porte à la scène. Loin de toute recherche
de l’effet et d’un théâtre de l’illusion, cette adaptation parcourt avec grande lucidité dramaturgique
les sujets et les parti pris provocants de l’auteur et pointe ainsi, avec sobriété et sans cynisme, le
double discours d’une société européenne qui pratique à des fins économiques l’exportation d’une
décadence occidentale vers une population qui ne partage pas les mêmes visions. Sa mise en scène
devient ainsi un voyage de la pensée aux confins des valeurs occidentales.
Barbara Engelhardt
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