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: La Pièce

Projet rare dans le paysage théâtral français que ce Partage de midi joué et mis en scène par quatre acteurs: Valérie Dréville, Jean-François Sivadier, Nicolas Bouchaud, Gaël Baron, sous le regard d’une cinquième: Charlotte Clamens. Acteurs aux parcours divers dont la situation ressemble à s’y méprendre à celle des personnages de Partage de midi, telle qu’elle est décrite au début de l’acte 1: “Examinons nos figures comme quand on joue au poker, les cartes données/Nous voilà engagés ensemble dans la partie comme quatre aiguilles, et qui sait la laine/Que le destin nous réserve à tricoter ensemble tous les quatre?” Dans le jeu de l’écriture claudélienne, acteurs et personnages se confondent, et l’espace est d’abord montré comme théâtre, comme le lieu d’une expérience qui s’engage entre acteurs et spectateurs, comme une invitation à partager le même trésor. Partage de midi, présenté ici dans sa première version, se déploie autour du mystère de la passion. Claudel écrit cette version “à chaud”, sans distance, au moment où il se trouve dans la perte et la douleur d’un grand amour, fou, charnel, érotique. Le mot partage renvoie aussi au partage amoureux, l’objet du partage, c’est cette Ysé qui appartient successivement aux trois hommes de la pièce, partagée entre des désirs contradictoires. Pièce singulière parce qu’autobiographique, “Claudel écrit et réécrit Partage de midi avec le sentiment d’écrire et réécrire sa propre vie comme si le texte biographique et le texte dramatique étaient l’envers et l’endroit d’un même texte”, dit Anne Ubersfeld. Partage de midi, c’est d’abord l’expérience de l’exil, de la Chine qui peu à peu enserre les personnages de toutes ses ténèbres, et c’est aussi celle de la guerre, au moment de la révolte chinoise des Boxers face à l’occupation du pays par les Européens. De tous côtés se pose à Claudel le problème colonial dans sa brutalité et sa conquête rapace. C’est dans cette situation de guerre que l’exaltation du désir charnel et spirituel entre Ysé et Mesa, figures emblématiques de l’amour impossible, se consume… Pour dire la vérité de ces conflits, l’auteur invente une langue unique, loin de l’académisme, langue du souffle qui interroge la pratique même de l’acteur et qui engage une véritable théâtralité des corps. On peut rêver cet ensemble théâtral comme une puissance collective, une association poétique, avec l’art comme véritable horizon utopique.

Jean-François Perrier

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