Mon idée première, pour bâtir Phèdre 3A, est d’amener le public le plus large à découvrir, sur un mode ludique, la modernité du théâtre racinien. Phèdre 3A n’est, bien sûr, pas la Phèdre de Racine dans son intégralité, mais les trois acteurs du spectacle, les trois A, l’abordent et la donnent à voir et à comprendre, comme des guides feraient visiter un monument.

Alliant l’intime et l’épique, l’ombre et la lumière, Phèdre est emblématique de la force d’écriture de Racine et, comme toujours chez cet auteur, les personnages y sont construits avec une extrême justesse. La profondeur de leur introspection les rend passionnants parce que profondément humains et donc, à jamais, contemporains. Déchaînant et désenchaînant les sentiments, Racine à su, en précurseur, donner la parole à cet inconscient que la psychanalyse explorera deux siècles plus tard. A ce titre, Phèdre offre une approche de la thérapie analytique, c’est une tragédie de la parole prisonnière ;

Dire ou ne pas dire? Que ce soit Phèdre, Hippolyte ou Thésée, chacun n’a pour destin que de devoir, ou de vouloir, ou non accoucher de sa vérité. Se livrer pour se délivrer. Chacun des personnages connait ou pressent le poids des mots et leur irréversibilité.

Un chef d’œuvre versifié est toujours regardé comme une cathédrale; public et comédiens ne s’y aventurent jamais sans une certaine considération, voir un apriori. En dévoilant sa mise en jeu, nous parlerons de l’interprétation des vers et de la nécessité de suivre des règles de diction sans figer cette écriture dans une posture académique, mais nous partagerons aussi nos nombreux questionnements, comme par exemple sur l’incarnation des grands destins tragiques ;

De quel mal Phèdre est-elle rongée ? Son problème est-il la présence du jeune homme ou l’absence si longue du mari? A moins que ce ne soit la peur de l’héritage nympho maniaque de sa mère, Pasiphaé ? Autant d’étapes de réflexion que Phèdre 3A posera en résonnance de l’œuvre elle-même.

François Raffenaud